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Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Plus que cent fois mille mots (Chronique #136)


28 mai 2018,

Mon aventure québécoise s'achève... Ma valise est prête et dans quelques jours je quitterai l'école, La Tuque et les amis que j'y ai trouvé. Mais il me reste une dernière chose à accomplir dans ce voyage... Un deuil, un adieu que je n'ai jamais fait. Depuis quelques nuits déjà, je rêve de toi. Tu reviens dans mes songes. Tu me réconfortes. Tu lis mes chroniques, mon roman et me donnes ton avis comme autrefois. Pourquoi réapparais-tu maintenant ? Manon, une de mes professeures, comprend très vite que tu encombres encore mes choix et mon esprit. Elle me propose son aide pour te laisser partir. Jamais je n’aurai cru que je t’emporterai à l’autre bout du monde avec moi. Je pensais que l’épitaphe que je t'avais offerte sur l’un de mes livres, suffirait à soigner mes chagrins....

Quatre ans... Quatre ans nous séparent et pourtant, je pourrai presque encore te toucher.  Il y a tant de choses que tu as manqué en quatre ans.  J'ai eu mon lot de déception, de combat, d'engagement, de conviction, d'amitié et d'aventure... Il n'y a qu'une seule porte que j'ai laissé fermé : La tienne. Celle que tu gardais si bien.  Celle où tu murmurais : "Je t'aime plus que cent fois mille mots, bien plus que mille étoiles là haut.  Ce murmure, je m'en suis abreuvé. Je l'ai consommé à outrance... Il m'a consumé avec souffrance. Je me suis enivré de tes maux, drogué de tes batailles manquées. J'ai rejoué sans cesse ta mort, en changeant la fin à ma guise.  Je me suis ouvert les veines, arraché le coeur... Je me suis défoncé la tête contre des murs, des portes... contre des remparts infranchissables.  J'ai crié, j'ai hurlé, j'ai gueulé : "Je t'aime plus que cent fois mille mots, bien plus que mille étoiles là haut.  Tu m'as laissé... Oui tu m'as laissé et pour ça je t'en veux. Je t'ai menti... Je ne suis pas un homme fort, je ne suis qu'un lâche. J'ai fais semblant de tout t'accepter, semblant de sourire, semblant d'être à la hauteur... Et même après toi j'ai continué à faire semblant. Dans le monde "d'après toi" il n'y a pas de réconfort, pas d'épaule, pas de temps pour les larmes. Très peu de gens comprennent les marécages que je traverse... et je ne leur en veux pas. Je me suis contenté du silence et parfois de discrets sanglots qui voulaient dire : "Je t'aime plus que cent fois mille mots, bien plus que mille étoiles là haut.  Quatre ans... J'aurai mis quatre ans pour brûler ton nom... Pas pour t'oublier... ça je ne le pourrai jamais... Quatre ans pour me libérer de ton fantôme que j'avais finis par épouser. Foutre le feu à ce chapitre... A notre roman manqué... à cette oeuvre inachevée. Je ne peux pas continuer à écrire seul une histoire pour deux dans laquelle tu n'es plus là. Alors je te rends ces quelques pages... Tu en seras le gardien. Bruler ton nom, bruler nos liens fantômes, restera la chose la plus dure que j'aurai entrepris ici au Québec. Je ne remercierai jamais assez Manon de m'avoir aidé à avancer. Laisse moi regarder devant Ju... Devant où il n'y a plus de silence, plus cris, plus de combat à mener.  Devant où il n'y a juste que cent fois mille mots et bien plus que mille étoiles là haut.   

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