17 Juin 2018 ,
Me revoilà à Montréal. Comme au début de ce long voyage. J'y retrouve des amis, des connaissances à mille lieues des gens j'ai pu côtoyer à La Tuque. Comme il est étrange de se retrouver dans la ville après tout ce temps... J'ai la sensation que nous sommes désormais des étrangers. Avons-nous toujours autant de points communs qu'autrefois ? Je retrouve peu à peu la vie citadine, ses fêtes, ses rêves et ses désespoirs. Je retrouve aussi la solitude et mes sempiternelles questions d'artiste... Me revoilà à Montréal... Me voilà à la fin du voyage.
Cela faisait si longtemps que je n’avais pas remonté les boulevards d’une grande ville… D’une grande ville où vous n’êtes qu’un parmi tant d’autres… Où vous n’êtes personne au milieu de beaucoup trop. Je me sens bien petit à nouveau…
Bien peu dans Montréal… Mon réel… Monde réel… Monde cruel.
Il y a tant de rêves qui marchent dans les boulevards d’une grande ville… De grands rêves, importants, de petits rêves, insignifiants, de lourds rêves, inatteignables ou de simples rêves, inavouables… Tant de rêves qui marchent, se piétinent et s’étouffent.
S’étouffent dans Montréal… Mon réel… Monde réel… Monde cruel.
J’avais oublié comme les gens courent dans les boulevards d’une grande ville… Certains courent pour deux pièces, d’autres pour trois ou quatre… Certains courent de neuf à cinq, d’autres sans compter… Et certains autres arrêtent de courir, ils s’assoient et attendent une pièce…
Une pauvre pièce dans Montréal… Mon réel… Monde réel… Monde cruel.
On fait la fête le soir dans les boulevards d’une grande ville… On fait la fête sur des balcons chancelants pour oublier que nos vies vacillent. On renie nos forces et nos principes. Le soir on joue avec la vie… On boit, on fume, on se drogue… On se fait mal pour se sentir vivre encore.
Vivre encore dans Montréal… Mon réel… Monde réel… Monde cruel.
On se croit artiste dans les boulevards d’une grande ville… On s'y sent incompris et unique. On joue de la musique, on chante… Peu importe où, quand, peu importe si notre art est juste ou s’il sonne faux… On est artiste pour se faire entendre.
Se faire entendre dans Montréal… Mon réel… Monde réel… Monde cruel.
On se tatoue des cicatrices dans les boulevards d’une grande ville… On met à vu nos faiblesses et nos convictions. On se brûle la peau, on la scarifie, on la viole… On se fait du mal en espérant se faire comprendre. On se saigne pour espérer sortir du lot… Pour espérer être mieux que rien.
Mieux que rien dans Montréal… Mon réel… Monde réel… Monde cruel.
Je suis perdu dans Montréal. Loin de mes forêts Latuquoises, des sentiers silencieux… La rupture est violente et brusque. Je ne reconnais plus l’effervescence qui me berçait. Je me sens éteint et marginal. Je voudrais m’accrocher à une branche mais il n’y en a pas, je voudrais attraper une bouée mais je ne me noie pas. Je suis juste perdu dans Montréal.
Alors, je fais comme les autres. Je prends soin de mes rêves, je fais la fête sur des balcons chancelant. Je fume un peu et bois bien trop. Je suis un artiste incompris qui écrit sur les marches d’un immeuble, je tatoue mes cicatrices en espérant faire revivre les forêts de La Tuque sur ma peau. Je m’enivre de tout… J’ai l’impression de vivre autant je me sens mort.
Cela faisait si longtemps que je n’avais pas remonté les boulevards d’une grande ville… D’une grande ville où Marc-André joue de la guitare au Village, où Jill et Nomi chantent dans le vieux Montréal, où Paulo avec son âme d’artiste, dessine, tatoue les peines et les espoirs. Où les petites herbes roulées dans un papier à cigarette vous font oublier les immenses forêts de la Mauricie.
Les immensités de la Mauricie, qui n’existent plus ici, dans Montréal… Mon réel… Monde réel… Monde cruel.
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