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Aujourd’hui, c’est ma première journée dans mon nouveau travail.
Quelques semaines avant de quitter Disneyland, j’ai passé un entretien afin d’être vendeur pour la marque de prêt-à porté de luxe italienne : Manoli.
C’est la directrice du groupe France, Natalia Da Silva, qui m’a accueilli dans un immeuble parisien qui se situe rue de Rivoli.
Cet édifice n’était pas des plus accueillant…
Le grand hall, les couloirs, les salles étaient assez austères et présageaient de l’arrogance que pouvait avoir cette maison de haute couture.
Des couleurs monotones, froides… à l’image de ses créateurs qui se voulaient avant gardistes et élitistes.
Natalia m’est apparue au sommet d’un escalier qu’elle a dévalé avec classe et grandeur.
Elle était enjouée et souriante.
Elle dénotait complètement avec ce lieu.
Natalia semblait jeune, dynamique et excentrique. Elle m’a rapidement mis à l’aise.
Elle était à la recherche de plusieurs vendeurs pour l’implantation de la marque à Paris. Natalia m’a posé différentes questions sur la mode, sur mes connaissances en textiles et en grand créateur…
Je voulais réussir cet entretien !
Le travail qui était à la clé allait me permettre de bien mieux gagner ma vie qu’à Disneyland… Et ainsi me permettre d’offrir une place plus importante à mon écriture.
Je ne connais absolument rien à la mode… c’est un univers qui ne m’intéresse pas vraiment.
J’ignore sérieusement comment je me suis sorti de toutes les questions pointues de Natalia… mais j’ai décroché le poste !
Il est 9 heures,
Natalia m’attend devant la boutique.
Je retrouve la même femme que lors de notre première entrevue : Une femme (trop) souriante et (trop) extravagante.
Elle s’empresse de me faire visiter le magasin qui va être inauguré dans quelques jours.
Natalia me présente les collections de robes et de chaussures, persuadée que je les connais déjà comme je suis un « passionné de mode ».
« Alors là bien évidement vous retrouvez nos chaussures Peeptoes qui sont un Must-Have pour nos clientes ! La robe Pop Style 70 qui a fait fureur au défilé de Milan en Juin dernier… Elle se marie parfaitement avec les bracelets Spirit Stone. Vous ne devez jamais vendre l’un sans l’autre !… »
J’acquiesce pour faire croire que ce monde ne m’est pas étranger… Mais en vérité, j’aspire déjà à m’enfuir !
De temps à autre, je me prends le culot d’agrémenter mes hochements de tête mécanique avec quelques savoirs que j’ai pioché dans divers visionnages de films comme « Le Diable s’habille en Prada » ou encore de la série « Sex & the City ».
Natalia n’y voit que du feu… Du moins pour l’instant…
Après cette première journée, je rejoins mes amis sur les terrasses parisiennes pour profiter de ces premières soirées d’été bien agréables.
Romain ne tarde pas à me demander si j’ai suivi ses conseils.
« Alors ? as-tu commencé à tenir un journal comme je te l’ai dis ? »
J’esquisse un sourire et commence à annoncer à Eva, Sémy, Fred et Romain qu’en m’inspirant de cette idée, je suis allé encore plus loin…
Je commence à leur parler de mon blog « All the Little Things » où je pourrai écrire, m’interroger mais aussi (peut-être) échanger avec mes futurs lecteurs.
Je leur lis ma toute première chronique… Un long silence s’installe autour de la table.
Mais après quelques minutes, mes camarades m’annoncent être emballés par cette idée de Blog.
Sémy me demande comment je compte l’agrémenter et quels sujets je vais aborder.
Je ne suis pas encore pleinement à l’aise à l’idée de faire exister ce blog. Pour l’instant, je n’ai pas encore appuyé sur le bouton « Rendre ce blog public ».
Même si cette aventure me semble interessante, j’ai peur…
J’ai peur de partager ces choses si intimes avec des lecteurs qui me sont inconnus.
J’ai surtout peur du jugement…
Peur que ce que j’ai à dire ne soit pas pertinent.
Mon blog restera caché… Du moins encore quelques temps…
Ce matin, les parisiennes se pressent devant les portes du magasin.
C’est la journée d’inauguration de la boutique Manoli.
Natalia s’est déplacée pour l’occasion, accompagnée de deux stylistes de la maison.
Les vendeuses sont surexcitées. Elles ne cessent de parler de mode entre elles, de collections automne-hiver, de créations audacieuses chez la concurrence…
Je suis le seul garçon de l’équipe… Mes collègues sont assez froides avec moi… Elles espéraient au fond d’elles que je sois ce genre de vendeur efféminé et exubérant… Chose que je ne suis malheureusement pas.
Elles ont vite décelé en moi une distance, un rempart qui me garde bien à l’écart des élucubrations du monde de la mode.
Elles me sont malgré tout sympathiques, même s’il m’arrive de les voir comme des ovnis.
10 heures, ouverture de la boutique.
Les vendeuses se jettent sur nos clientes avec un sourire exagérément chaleureux.
Elles rentrent dans l’arène telle des tigresses prêtent à montrer leur puissance.
Chacune brille par son talent… Elles sont perspicaces, convaincantes et carnassières… En un rien de temps, les clientes sont rhabillées de la tête aux pieds avec goût et intelligence…
Et sans qu’elles s’en rendent compte, les voilà à la caisse avec la totalité des articles que ces déesses de la vente leur ont posé dans les mains.
De mon côté, je rame…
Je rame sur des eaux épaisses…
Je suis englué dans ma médiocrité.
Les clientes semblent me fuir… Ne veulent pas de mon aide. Sur la vingtaine de femmes que j’aborde, aucune ne passe à la caisse…
Toutes m’abonnent avec un tas d’articles peu pertinent dans les bras.
Du fond de la boutique, Natalia observe mon agonie dans cette arène sans merci…
C’est la première fois que je décèle sa froideur.
Je comprends déjà que ma survie au sein de cet empire est mal imbriquée.
Ce soir, nous nous retrouvons tous autour d’un verre pour l’anniversaire de Sémy.
Sémy, Fred et Eva sont déjà en terrasse lorsque j’arrive. Ils n’ont qu’une hâte : Que je leur parle de mon nouveau travail et surtout des rigueurs du monde de la mode.
Je n’arrive pas à leurs dire que je commence peu à peu à regretter d’avoir quitter mon ancien travail…
Que mon avenir dans cet univers artificiel est déjà compromis.
Je me contente de tourner en dérision mes premiers faux pas, mes collègues et ma responsable.
Mes amis s’en amusent… Cela m’aide à relativiser ce naufrage.
Très vite, la conversation dévie sur Romain qui nous a annoncé que ce soir, il viendrait accompagné d’un ami nommé Gaetan.
Nous n’avons jamais entendu parler de ce garçon mais Romain a visiblement assuré à Sémy que celui-ci n’est qu’un simple ami.
Pourtant à 20 heures, nous les voyons arriver main dans la main. Nous sommes pris de court…
Aucun de nous ne sait quoi dire. Romain semble aussi circonspect que nous.
Je m’absente discrètement aux toilettes avec Romain pour avoir des explications.
« Ce garçon s’est ton petit ami ? »
« Mais non ! je ne sais pas comment j’en suis arrivé là… Je n’ai pas de sentiments pour lui ! »
En revanche, visiblement, Gaetan a de fort sentiments pour Romain et de nombreux projets aussi pour leur couple.
Romain m’explique qu’il ignore comment il s’est retrouvé dans cette situation… Comme si Gaëtan l’avait vampirisé et s’était imposé dans sa vie…
Romain m’avoue également avoir un faible pour un garçon qu’il a récemment rencontré, Alexandre. Un garçon qui pourrait prendre la poudre d’escampette si ce Gaëtan reste trop longtemps dans le paysage.
Romain me demande mon aide… Mais que puis-je faire à part lui dire de se délivrer de son emprise au plus vite.
Même si le reste de la soirée est agréable et drôle, je ne peux m’empêcher de poser un regard compatissant vers Romain qui étouffe dans les bras de Gaëtan… Celui-ci ne cessant de nous couper la parole pour nous crier son amour et ses projets de vie avec notre ami.
En rentrant dans mon petit appartement, j’ai follement envie d’écrire.
Je réfrène ce désir…
Ce soir, je dois plutôt lire des magazines de mode, regarder des défilés, lire des critiques… il est important que j’acquière une connaissance du monde de la haute-couture si je veux sauver ma peau.
Moi qui pensais que j’allais pouvoir mettre l’écriture au centre de ma vie désormais…
Je constate que je me suis bien fourvoyé. Mon art restera à la marge…
Tard dans la nuit, je m’offre un instant de répit…
Je me connecte sur mon blog pour y poster une nouvelle chronique.
Je n’arrive toujours pas à rendre mon blog public… même pas à signer mes chroniques avec mon propre nom.
J’y appose un nom d’emprunt comme pour me protéger de quelque chose…
Je ne sais pas encore si ce blog est une bonne idée…
Sans trop réfléchir je continue de l’étoffer…
J’ignore si j’aurai un jour la force de partager mes réflexions…
Chronique n°2
De tout temps, nous avons tenté d’écrire ou de raconter.
Certains disent que la frontière entre la préhistoire et l’histoire n’est autre que la naissance de l’écriture.
Pourtant, nos ancêtres les plus éloignés ont toujours tenté, et même réussi, à laisser de nombreuses traces de leurs récits.
D’ailleurs, je me demande si l’écriture n’est pas une simple preuve de passage. Une empreinte que l’on laisse sur la longue fresque de l’Histoire. Quelle envie nous pousse ? Pourquoi écrivons-nous depuis la nuit des temps ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré écrire… Raconter, créer. L’écriture n’a pas eu sur moi un effet d’enfermement. Bien au contraire ! Elle a ouvert mon esprit, révélé mes passions... Et surtout, elle m'a sauvé plus d'une fois.
Je le revois encore, ce p'tit Julien qui écrivait ses histoires dans un coin de la classe ou sur les bancs durant la récréation. Il était timide, souvent seul et pas très bon élève… Ce p'tit gars savait déjà qu'il était différent des autres. Il préférait s’évader dans ses univers lointains où des tas d’amis l’attendaient.
Le p'tit Julien n’écrivait pas uniquement pour s’inventer des compagnons imaginaires. Il écrivait parce qu’il espérait pouvoir, un jour, se venger de cette solitude qu’on lui avait imposée. Il s'accommodait des moqueries, des bousculades et des insultes. Il aurait voulu être comme tous les p'tit garçons mais l'écriture l'avait choisi.
Je ne connais pas la violence. J’ai toujours eu une ouverture d’esprit, une tolérance et un respect pour chaque point de vue, chaque personne. Le monde ne tourne pas vraiment sur ces bases là. Je ne compte plus le nombre de fois où le respect et la tolérance envers mes choix, mes rêves, ont été bafoués.
Pourtant, je suis encore debout… Pour quelle raison ?
Parce que l'écriture est restée mon échappatoire. On me reproche, depuis l’enfance, d’être trop calme, parfois effacé, souvent rêveur. Certains aimeraient me voir taper du poing sur la table, me voir crier et me faire entendre… Mais je resterai toujours le même. Je n’aurai jamais besoin de trahir quelqu’un pour grimper les échelons du monde… ni besoin de salir les opinions de mon voisin ou ouvrir la bouche inutilement. Si c’est cela votre vision du monde, je vous la laisse bien volontiers. Moi je préfère le silence et la mesure.
De tout temps, nous avons tenté d’écrire ou de raconter.
N’est-ce pas parce que de tout temps nous avons eu besoin d’échapper à notre quotidien ? Personne n’est maître de la réalité. Nous sommes ses esclaves... Et l’écriture est notre seule liberté…
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