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Ce soir, toute la bande s’est réunit chez Sémy pour notre traditionnelle réunion d’artistes sur le fil.
Cela fait des semaines que nous attendions ce rendez-vous. Nous espérions naïvement que la neige s’en aille et libère Paris de son décor blanc… Mais non !
Les flocons n’ont toujours pas décidé de prendre le vent et de fuir.
Nous apprenons donc à vivre au milieu de ce décor hivernal…
Sémy nous a préparé tous ce qu’il faut pour passer une bonne soirée.
Les Pizzas sont sur sa petite table basse et quelques bouteilles de chardonnay posées dans la neige sur le rebord de la fenêtre.
Nous parlons brièvement d’art ce soir… Tous les regards sont braqués sur moi. Mes amis veulent que je parle de l’animateur TV que j’ai rencontré au concert de Dorothée.
« Comment était-il ? »
« Tu crois que tu vas le revoir ? »
« Tu penses qu’il a flashé sur toi ? »
Les questions se succèdent sans que je n’ai vraiment le temps de répondre.
Je raconte encore et encore cette rencontre.
Mais malgré ce numéro de téléphone qu’il m’a donné, j’hésite sincèrement à le rappeler. Je n’ai pas envie de faire entrer quelqu’un dans ma vie…
Je ne veux pas qu’une nouvelle « histoire d’amour » vienne parasiter mon écriture.
« Comment ça ? Tu ne l’a toujours pas rappeler ?? »
Sémy s’agace.
Lui et Fred me rappelle que cet homme fait partie d’un milieu qui nous est inaccessible… Qu’il est peut-être en mesure de m’ouvrir des portes. Je les écoute avec attention…
Ils pensent « plan de carrière » et « réseautage »… Pas question de vivre une romance !… Mais faire en sorte que cette complicité me permette d’attendre un peu plus mon rêve : être publié et faire connaitre le Royaume de Faery.
Eva et Romain sont moins pragmatiques et me ramènent habilement sur le chemin de l’affectif.
Ils me demandent de décrire mes sentiments… De mettre des mots sur mes peurs et sur mes blessures qui ne se seraient pas cicatrisées.
Ils arrivent à me faire rougir… Rougir et sourire.
Parce qu’en vérité, ils me connaissent bien… Ce garçon ne me laisse pas indifférent. Je dirais même qu’il me plait… Et malgré mes armures, je suis heureux d’avoir fait cette rencontre.
Une fois chez moi, je ressors le numéro de l’animateur TV que j’avais gardé dans une poche de ma veste.
Il est tout juste 23 heures… C’est peut être un peu tard pour l’appeler… Je commence à écrire un SMS.
Salut, désolé de te récontacter après autant de jours.
C’est Julien (ton voisin de siège au concert de Dorothée)
Tu serais toujours partant pour un café ?
J’ai peur d’envoyer ce message…
Après réflexion, j’efface tout.
Je vais me coucher… Nous verrons bien demain….
En arrivant à la banque ce matin… Je me mets rapidement au travail. J’esquive les questions et les regards de Zahara.
Au fond de moi, j’ai très envie de lui parler de l’animateur TV et de mon désir de le recontacter.
Une part de moi me supplie de retourner à l’écriture et la création des contes. Je sais très bien que si je continue de parler de ce garçon… Ce furtif instant de ma vie viendra parasiter tous mes efforts littéraires.
Mais c’est ma moitié romantique remporte la bataille… Je finis par tout raconter à Zahara et par lui montrer la carte de visite de ce garçon que je peine à rappeler.
« Appelle le ! tout de suite ! Tu n’a pas le choix, je ne bougerai pas d’ici tant que tu n’auras pas fixé un rendez-vous avec lui ! »
Zahara m’encourage avec malice. Elle m’oblige à agripper mon téléphone et à composer le numéro.
J’attends un instant, je tremble bêtement… Va-t-il répondre ?
« Allô ?! »
C’est lui ! mes mains deviennent moites et ma gorge sèche… Qu’est ce que je dois dire ?
« Euh… Salut c’est… Julien… Du concert de Dorothée à Bercy… Je te rappelle comme convenue… »
Silence…
J’ai peur d’être ridicule.
Zahara est pendue à mes lèvres… Elle est tout aussi fébrile que moi.
« Ah ouais ! Julien comment vas tu ? »
« Très bien, merci… Je voulais savoir si tu étais toujours d’avis que l’on se fasse un café ? »
L’animateur TV, toujours aussi à l’aise, me propose immédiatement de venir à la banque après ma journée de travail.
J’accepte volontiers avant de réaliser que je ne n’aurai pas le temps de me changer. Je serais obliger de garder ce costume-cravate aux couleurs douteuses que la banque me fournie.
A 18 heures, il fait son entrée dans le hall de la banque.
Zahara est toute impressionnée. Elle avoue au bel animateur qu’elle regarde parfois ces émissions.
Comme nous avons pris l’habitude de nous couvrir face aux règles obtuses de Madame Zeitoun, Zahara m’offre de quitter mon poste plus tôt et d’achever mes dernières tâches.
Nous nous installons à la terrasse du O’Sullivan, ce pub irlandais des Grands Boulevards qui donne non loin de ma banque.
Je suis nerveux… Lui en revanche garde toute sa prestance. Il me parle de son métier, de ses émissions, des autres stars qu’il côtoie, de ses ambitions futures.
Je réalise assez rapidement que je ne fais que l’écouter et qu’il ne m’a posé aucune question sur ma vie ou sur mes projets.
Je tente au hasard d’un instant où il avale une gorgée de café, de parler à mon tour…
J’évoque mes chroniques et mon envie d’écrire des contes fantastiques.
Mais il ne relève pas et s’empresse de me reparler de son monde de showbizz, persuadé que tout cela me passionne.
En vérité, il n’a que faire de moi… Ce qui compte c’est lui… Lui et encore lui…
Il s’écoute beaucoup… Il s’écoute tellement qu’il ne m’a même pas entendu demander l’addition…
« Bon, il se fait tard… Je vais rentrer »
Je commence à me lever…
« J’ai passé un moment charmant… »
Je ne réponds rien… Moi je suis emmerdé assez férocement.
L’animateur s’approche de moi et m’embrasse.
J’ignore pourquoi mais je ne le repousse pas. Je savoure ce baiser… Il me fait du bien. Je pose ma main sur sa joue, je retire mes lèvres délicatement.
J’ai apprécié ce baiser furtif. Je pourrai m’enfuir ainsi dans la nuit… Sur cette note de trop peu… Mais dans un moment d’égarement je reviens près de ses lèvres. Je lui vole un autre instant de douceur…
« J’espère qu’on va se revoir ! »
j’acquiesce en arborant un sourire niais… Je suis faible… Je me laisse charmer par ce Narcisse qui n’aime surement que son reflet qui s’imprime dans mes yeux.
Le lendemain de notre baiser, une fois l’euphorie passée… Je me sens un peu bête. Je n’aurais pas dû laisser cet événement se produire.
Une nouvelle fois, deux forces s’affrontent en moi…
Mon côté écrivain me supplie de me reprendre et de me pencher de nouveau dans mes carnets et mes chroniques…
Mais mon côté romantique a trouvé ce baiser à son goût … Et même si j’avoue sans peine que cet animateur est un garçon assez creux et bien trop égoïste, j’ai follement envie de le revoir… de flancher à nouveau.
D’ailleurs, tôt dans la matinée, je reçois un SMS de mon Narcisse.
Salut ! Grosse soirée Boulevard Haussmann
dans un club près des Grands Magasins,
j’espère t’y voir…
Bizz
Je ne suis pas un grand adepte des soirées parisiennes. Je suis plutôt introvertie et peu rayonnant dans ce genre de lieu.
Je fini par appeler Sémy pour avoir son avis…
J’en profite pour lui raconter en détails le rendez-vous de la vieille qui était loin d’être un succès…
Mais j’évoque ce baiser et ce bien fou qu’il m’a procuré.
Sémy est catégorique : Je dois aller à cette soirée !
Il me rassure en me rappelant que je peux être quelqu’un de très fun et sociable… Et au-delà de cette bluette sentimentale, il y aura sûrement (encore une fois) des personnes importantes qui pourrait s’intéresser à mon travail !
Me voilà donc, à 20 heures , sur le boulevard Haussmann, non loin du club où la soirée se déroule.
J’attends mon animateur qui ne devrait pas tarder à arriver. Cette fois-ci, je me suis fait beau. Je veux montrer à ce garçon que j’ai du style et un certain charme.
Après quelques minutes à attendre dans le froid. Le voilà qui arrive.
Il est entouré de plusieurs hommes assez musclés… Chemises ouvertes et pantalons moulants.
Des garçons sublimes… Des clichés de télé-réalité habillés en Gauthier ou en Lagerfeld de la tête aux pieds.
D’un coup je me sens bien laid et insipide dans mes fringues Célio.
Mon animateur m’embrasse furtivement sur la joue et me présente ses « amis ».
L’arrogance qui se dégage de ces mâles me pique le nez. J’essaie de garder mon sourire mais je rêverais de faire demi-tour.
Après tout, je peux faire un effort…
Je reste une heure et après je rentre… ça passe vite une heure !…
… Mais non ! bien-sûr que non…
C’est super long une heure quand on se fait chier et que l’on vous a abandonné dans un coin de salle.
Les musiques des divas de la pop s’enchainent… Madonna, Lady Gaga, Kylie Minogue…
La petite caste qui fréquente ce club se déhanche sur la piste. J’y reconnais quelques têtes connues de la télévision, de la mode ou de la presse.
Mon animateur TV n’a pas quitté sa petite bande de groupies barbues. En revanche, les chemises se sont fait la malle… ça s’embrasse et ça se tâtonne… Ces mâles sont désinhibés… Bien plus que je ne le serais jamais.
Je rejoins le bar, honteusement…
Mon conte de fées démarré dans les gradins de Bercy la semaine dernière, s’achève dans les glaçons d’un « sex on the beach » …
Le garçon à côté de moi se met à m'adresser la parole :
« Et bien ! T’a l’air à la ramasse Little Things ! Je te paie ton prochain verre ! »
J’accepte… Après tout ce garçon semble bien être la seule personne ici qui ne fuit pas ma compagnie.
Il commande deux oranges daïquiri et se présente à moi.
Il s’appelle Julien… Mais pour ne pas trop vous emmêler dans cette histoire, nous l’appellerons Jules.
Je lui demande assez rapidement pourquoi il m’a appelé Little Things…
« Oh, c’est parce que j'adore tes chroniques ! je te félicite pour ton blog... c’est une bonne initiative, j’espère pouvoir lire plus de choses très bientôt ! »
Me voilà assez étonné.
C'est bien la première fois qu’un inconnu me parle de mon travail. Je me sens flatté.
Jules me donne son avis sur les quelques chroniques que j’ai publié. Il m’explique également comment il a connu mon blog, All The Little Things.
Tout cela me surprend… Enfin un artiste au milieu de ces gens superficiels.
Jules a un petit gabarit, des cheveux châtain un peu fous et des yeux d’un noir profond… Il a beaucoup de charme, je ne peux pas dire le contraire mais comme à mon habitude, tout cela m’importe peu…
C’est sur ces mains que mon regard se perd…
Jules pointe du doigt mon animateur TV qui se déhanche le torse nu et le nez enfariné.
« T’es venu avec cet abruti ? »
J’ai honte… Mais je lui raconte comment je l’ai rencontré… Et visiblement, d’après les propos de Jules, je ne suis pas le seul garçon à m’être fait berner.
Très vite, nous délaissons ces sujets creux…
Nous nous mettons à parler d’écriture et d’art en général… J’en oublie presque la superficialité qui continue à se mouvoir autour de nous.
Jules est un garçon très solaire. Il est simple… Surement trop simple pour rayonner dans cet univers mais c’est une lumière qui moi me convient.
Jules m’explique qu’il fait partie des organisateurs de la soirée…
Malgré sa culture et son calme, il reste quand même un oiseau de nuit… Bien plus à l’aise que moi au milieu des ces amateurs de chair ferme.
Il connait tout le monde, arbore toujours un sourire apaisant et amical. C’est un charmeur à sa façon… Même s’il semble si sociable et attentif aux autres, il n’en reste pas moins mystérieux et inaccessible.
A force de parler et d’enchainer les verres… J’en oublie presque le dernier métro.
Je n'ai pas envie de quitter Jules... Mais ma montre me rappelle à l’ordre.
En sortant du bar, je ne jette même pas un dernier regard vers mon animateur télé...
Il est déjà bien loin dans ma tête.
Dans le métro, tandis que je commence à griffonner une nouvelle chronique sur mon carnet de notes, je réalise que je n'ai même pas demandé le numéro de Jules.
Il est fort probable que l’on ne se reverra jamais…
Suis-je vraiment bête ou ai-je un véritable problème avec le sentiment amoureux ?…
Chronique n°13
L’écriture, comme ses soeurs d’art, la musique ou la peinture, est avant tout un portail méticuleusement ouvert sur un jardin fragile et intime. C’est un partage, une vérité intérieure, un reflet personnel…
L’écriture est, avant tout, une invitation. Un grand festin que l’on partage avec des amis, des étrangers, des inconnus… Peu importe d’où l’on vient, nos choix, nos opinions diverses, nos personnalités, nos origines… Nous avons tous des choses à raconter… Que ce soit en écrivant, en chantant, ou simplement en parlant.
C’est en transmettant que l’on reste vivant et c’est en apprenant de l’Inconnu que l’on acquière une grandeur d’âme.
Au travers de ces histoires que vous côtoierez le long de la route, on vous parlera inévitablement d’Amour. Ce sentiment universel que l’on croit avoir apprivoisé mais qui reste (pour beaucoup) hors de portée. Il est difficile d’aimer. Il y a tellement de façons, de manières, de codes qui s’imbriquent dans l’Amour.
Dans mes récits, une place lui est toujours faite. Qu’il soit impossible, passionnel, interdit ou destructeur.
L’interrogation que suscite en moi ce sentiment est grandissante. Je pense que plus les siècles passent, plus les gens perdent réellement son sens.
Nos sociétés modernes désacralisent l’Amour, le partage, l’apprentissage de soi, la découverte… Se sont des valeurs qui s’effacent peu à peu. L’Amour est devenu un plan de carrière avec des échelons bien précis : Deux êtres, un café, une boite de nuit, du sexe, un test de grossesse, un mariage, un bébé, un appartement, une télévision HD et…Un divorce sanglant.
Je sais reconnaître le regard blafard de ces gens qui pensent vivre pleinement l’Amour. Ces gens bloqués avec une personne aussi peu passionnante qu’un sac à main. Ils n’oseront jamais vous le dire, mais cette situation asphyxiante est (paradoxalement) leur seule bouffée d’oxygène. Ils s’accrochent à se maigre accomplissement de vie et oublient… L’Amour.
Je ne me considère pas comme totalement étranger à l'Amour… L’Amour est si vaste, si abstrait… Il y a des millions de façons d’aimer : Aimer ses amis, aimer son âme-soeur, aimer les rencontres, aimer apprendre, aimer comprendre, aimer la vie… C’est important de ne pas l’oublier ou du moins d’en avoir conscience.
Les gens qui vous disent sottement : « Moi j’attends mon Grand Amour » n’ont (je pense) rien compris à la vie. Personne ne doit attendre l’Amour… Il n’y a pas d’abris bus ou de gare qui mènent à cette destination.
L’Amour est une montagne qui n’est pas inaccessible. Il suffit de continuer à gravir ses écueils, chaque jour un peu plus. Je récolte mes bouts d’Amour auprès de ma famille, de mes amis… Au cours des voyages et des rencontres, en remontant le fleuve de mes racines, en écoutant les histoires d’autrefois, en n’oubliant pas que je suis, à ma manière, une poussière de "Grand Amour" pour mon prochain.
Peut être qu'un jour, je serai, à mon tour, sa famille, son ami, son fleuve ou son père. Aujourd’hui, je ne connais pas (ce qu’on appelle) ma moitié… Mais cela ne veut pas dire que je ne connais pas le Grand Amour, puisque que celui-ci est un tout… Je reçois, je donne et je partage un Amour bien assez Grand.
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