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Ce soir, nous fêtons l’anniversaire de Romain autour de quelques verres dans un bar.
Nous espérions tous enfin faire la connaissance d’Alexandre… Mais Romain arrive seul.
Il nous promets qu’à notre prochaine soirée il viendra avec lui…
Après tout ce n’est pas plus mal qu’il ne soit pas là aujourd’hui, cela nous permet de poser les questions les plus indiscrètes à Romain…
Ces questions que nous n’avons plus peur de nous poser tant nous nous connaissons bien.
Dans les moments les plus bancals, je suis heureux d’avoir mes amis… De partager ces rires et ces confidences qui confortent mes folies et mes ambitions.
Je veux vraiment oublier mes soucis et m’amuser ce soir !
Pas question de ressasser mes semaines laborieuses chez Manoli.
J’ai besoin de rires et de profiter des moments simples comme regarder Romain souffler ses bougies…
Comme à notre habitude, nous parlons de nos arts, de nos rêves et nous imaginons demain…
Cet océan de possibilités qui n’est riche que de la désinvolture de notre jeunesse.
Sémy à toujours tendance à devenir très théâtrale après quelques verres. Il s’amuse souvent à porter un regard assez amer sur la vie …
C’est quelque chose qui nous fait beaucoup sourire…
Qui nous inquiète aussi parfois.
Et ce soir, il ne déroge pas à cette règle !
Sémy se lève de table, son verre à la main et hurle au milieu du bar :
« Chers amis ! J’ai démissionné de Disney ! Raz le bol ! Moi aussi je reprends ma vie en main !»
Cela fait des semaines que cette idée trotte dans un coin de sa tête…
Depuis que j’ai moi même franchi ce pas.
Je savais que ce moment viendrai… Que certains de mes amis suivraient le chemin qui j’ai tracé.
Mais face à cette annonce qui enthousiasme Romain, Eva et Fred, je peine à esquisser un sourire.
Ma courte carrière chez Manoli fut un échec…
Un échec qui m’a fait comprendre que j’avais eu des ambitions professionnelles bien prétentieuses.
Dois-je dissuader Sémy de prendre cette décision ?
Je regarde les heures passer sur l’horloge au fond du bar. je pense qu’il est nécessaire d’annoncer au groupe que Natalia Da Silva m’a vulgairement jeté de chez Manoli…
Mais face à l’enthousiasme de Sémy, je peine à trouver le moment propice.
Il est persuadé que je suis le modèle à suivre.
Qu’en empruntant cette voie, il va pouvoir se concentrer bien plus sur son art… Pourquoi le décevoir ?
Il est tard et nous continuons à errer dans Paris…
Nous nous raccompagnons les uns les autres devant nos immeubles.
Je reste encore un long moment dehors avec Sémy. Il me parle des histoires qui vivent dans sa tête… Des projets qu’il envisage lorsqu’il aura quitté Disneyland…
Je le sens délivrer de quelque chose… C’est la première fois que je le vois autant habiter par ses scénarios.
Il est optimiste, inspiré et inspirant.
Et si la désinvolture de Sémy était le bon chemin ?
Et si malgré notre folie nous ne faisions pas fausse route ?
En rentrant chez moi, comme un petit rituel qui s’installe discrètement, je m’empresse de me connecter sur mon blog.
Désormais mes chroniques ne m’appartiennent plus, elles sont visibles de tous…
Je remarque que quelques personnes sont passées par là… mes premiers lecteurs…
Je me délivre de mes silences et de mes questionnements…
Je comprends à présent que ce blog est nécessaire.
Il rend mon écriture, ma passion, mon don, réel et légitime.
Du temps où nous travaillions tous à Disneyland, nous aimions organiser des soirées assez déjantées dans le Ranch Davy Crockett, un des hôtels du parc d’attractions.
C’était un endroit reclus dans les bois, aux allures de clichés Western et de grands espaces américains…
Des enfilades de Bungalow qui rejoignaient un petit village de Cowboy.
Nous en louions souvent 2 ou 3 et les transformions en véritables pistes de danses où toutes les folies étaient permises.
J’y ai de nombreux souvenirs assez cocasses et d’autres plutôt inavouables.
Je dirais que nos fêtes dans les bungalow du Ranch ont aussi participé à nouer cette forte amitié avec Eva, Fred, Romain et Sémy.
Il est donc logique que pour célébrer la fin d’une époque, nous revenions tous sur les traces de notre insouciance.
Sémy a convié plusieurs collègues que je n’ai pas revu depuis que j’ai quitté mon job à Disneyland.
Ce soir, il y a bien du monde dans les bungalows… Nous sommes tous là pour fêter la nouvelle vie de Sémy.
Le bar est encombré de bouteilles d’alcool et d’amuses-gueules en tout genre.
La musique résonne dans la rue et nos rires s’entendent jusqu’à l’orée du bois.
Romain arrive à la fête au bras de son nouveau copain : Alexandre.
Nous nous empressons de faire connaissance avec ce garçon.
Malgré notre sens de l’accueil, nous décortiquons méticuleusement ce nouveau venu.
Mais il n’y a rien à dire… Ce garçon est adorable et nous pouvons déjà affirmer qu’il va très bien s’intégrer au sein de la bande.
Je suis heureux que Romain est enfin trouvé un garçon qui lui correspond… Un rêveur, un passionné. Une personne qui a des choses à dire.
Parmi les anciens collègues de Disneyland, nombreux sont ceux qui me demandent comment se passe ma nouvelle vie… Et en particulier mon nouveau travail.
Heureusement, les verres de punch que j’enchaine me permettent de garder le sourire et de feindre le bonheur…
Malgré cela, je sais au fond de moi que je ne vais plus pouvoir mentir bien longtemps…
Emporté par trop un peu trop d’alcool, un de nos amis, Adrien, sort des toilettes en tenue sexy.
Il commence à nous faire un numéro de cabaret au milieu de la pièce.
Il nous rejoue les pas de danse de Lisa Minelli en entrainant Sémy dans son numéro de charme.
Un léger malaise s’installe parmi les invités…
Nous avons tous envie de rire mais nous savons qu’Adrien se prend toujours très au sérieux lorsqu’il montre ses numéros qu’il appelle affectueusement : « Ses petits numéros d’effeuillage ».
Mon regard croise celui de Fred… Et je sais très bien reconnaitre ce regard…
Celui qui tente de retenir un fou-rire imminent…
Malgré le fait qu’il soit au fond de la pièce, Je peux lire sur ses lèvres un expressif :
« C’est d’la merde ! »
Je m’esclaffe sans aucune retenue… Adrien qui faisait sa coquine s’arrête net…
Il est vexé et j’ai un peu honte…
Malgré cela je ne peux pas m’arrêter de rire…
Fred embraye à son tour mais plus malin que moi, il quitte discrètement le bungalow.
Je m’excuse et prétexte le verre de trop.
Mes rires continuent encore de longues minutes dehors, une fois que j’ai retrouvé Fred.
Eva finis par nous rejoindre… Je m’allume une cigarette et m’allonge sur la table de pique-nique qui est adossé au bungalow.
Je regarde les quelques étoiles que l’on peut apercevoir par ici.
C’est le moment parfait pour me confier à mes amis.
« Je me suis fais virer de Manoli »
Voilà c’est dit !
Eva et Fred ne réagissent pas.
Ils se contentent de m’écouter.
Je leur raconte cette journée humiliante où Natalia m’a viré devant toutes les clientes du Printemps Haussmann.
Je pose cette histoire avec beaucoup de sérieux tout en tirant sur ma cigarette et en crachant ma fumée sur les étoiles.
Une fois mon récit achevé… Le rire m’envahit à nouveau… Un rire porté par l’alcool mais qui reconnait volontiers que ma situation est assez burlesque.
Fred et Eva rigolent avec moi…
Pas assez longtemps malheureusement…
Je me lève brutalement de la table et pars vomir dans les buissons.
J’ai franchi la limite… Trop de mélanges, trop d’alcool…
Je ne me rappelle pas du reste de la soirée… Je sais juste que j’ai réussi à rentrer chez moi.
J’ai encore un peu la gueule de bois de la soirée de la veille. Mais en cet après midi un peu grisâtre, je me donne du courage.
Je passe chez mes parents pour leur annoncer que j’ai perdu mon poste de vendeur chez Manoli.
J’ai peur de les décevoir à nouveau…
Ils ont déjà étaient éprouvés par ma rupture avec Charles, mon départ fortuit de Disneyland et mes lubies terrifiantes d’écrivain.
Ils s’empressent de m’installer dans le salon avec un café bien chaud et quelques biscuits. Ils sont heureux que je sois passé les voir.
Ma gorge est nouée… Par où commencer ?
« Je ne travaille plus chez Manoli depuis plusieurs jours… J’ai été mis à la porte… »
Mes parents s’arrêtent net de boire leur café.
J’observe les mains tremblantes de mon père qui posent délicatement la tasse sur la table basse et les larmes controlées de ma mère qui viennent souligner un peu plus ma honte.
Une nouvelle fois, je raconte mes derniers jours au Printemps Haussmann avec un peu moins de brutalité pour ne pas heurter mes parents.
J’attends leurs remontrances. Mais elles ne viennent pas…
Le silence qui vit dans le salon se délecte de l’odeur âpre des cafés corsés.
Les regards s’évitent et les mains se nouent pour éviter des colères de porcelaine.
Après plusieurs minutes, ma mère prend la parole et me demande sèchement :
« Et maintenant tu vas faire quoi ? »
Je savais que cette question arriverait tôt ou tard… J’évitais même de la me poser… Mais le temps semble venu de sérieusement y réfléchir.
En soirée, je retrouve à nouveau Romain, Fred, Eva et Sémy sur les terrasses…
Bien évidemment, tout le monde me demande de parler de « l’échec Manoli » maintenant que mon esprit semble plus apaisé.
Et si je m’étais trompé depuis le début ?
Et si mon ancien job à Disneyland n’était pas le mal qui bridait mon écriture ?
Suite à tous ces événements, je peine à replonger dans mes écritures.
Malgré les doutes ce soir, je me sens mieux… Je n’ai plus de secrets pour mes amis ou pour ma famille.
Eva arbore un grand sourire.
Elle a une annonce à nous faire.
Avec un de ses amis musiciens, elle a pu entrer en contact avec un producteur.
Celui-ci est prêt à la faire enregistrer une maquette de ses chansons. Cette nouvelle mérite bien que nous levions nos verres.
Sémy nous explique un peu comment il va occuper son temps avec l’écriture maintenant qu’il est libéré de Disneyland.
Il ne compte pas retravailler dans l’immédiat, son objectif étant de réussir à boucler au plus vite son scénario et l’envoyer dans le tout Paris.
C’est risqué… Mais après tout… Peut-être est-ce lui qui a raison ?
Chronique n°7
Nous avons tous une chanson fétiche. Une chanson douce que l’on nous chantait avant de nous endormir. Cette semaine, ma chronique musicale vous parle d'une berceuse, d'une enfance et... De tant de rêves à atteindre durant la nuit.
Lorsque j’étais aussi haut qu’une chaise de jardin, j’aspirais à vivre dans le monde des adultes. Mes jeux dépeignaient ce désir insistant. Pourtant, aujourd’hui, j’aimerais me cacher derrière cette même chaise de jardin et arrêter de jouer dans la cour des grands. Mais c’est trop tard… La partie a commencé. Les dés sont jetés et les manches s’enchainent sans succès.
Je regarde dehors… Il fait déjà nuit… Je déteste quand l’été commence à déserter Paris. Cette impression de vivre un peu plus dans le noir. Je n’aime pas les ombres nocturnes… Leur angoisse infantile me revient, parfois, lorsque tout semble sombre et incertain.
Je n’étais pas un petit garçon très courageux. Dans la nuit, j’agrippais Grisette d’une main et Papa Nounours d’une autre. Je les serrais fort contre moi. Mes deux amis de chiffons avaient (grâce à mon imagination) une conversation très poussée et aussi le pouvoir d’éloigner les ombres. Ces camarades de chambres savaient me réconforter pour que je trouve le sommeil.
Puis, lorsque les nuits étaient trop froides ou plus inquiétantes… Il y avait toujours Maman. Elle venait m’offrir un instant rassurant qui emplissait ma chambre d’un parfum serein et doux comme une caresse. J’adorais ses berceuses nocturnes. Papa Nounours, gentiment posé sur l’oreiller et Grisette, dans mes bras. Nous écoutions attentivement Maman qui, avec ses monologues sucrées, nous accompagnait bien au-delà des ombres. Là où les rêves seraient clairs.
Nous partagions des histoires… Parfois drôles, parfois poétiques, des souvenirs et des chansons… Il y avait aussi « Love me tender »… J’entends encore Maman me chanter cette berceuse… Cette mélodie que j’écoutais, souvent les yeux déjà bien lourds… Perdu, quelque part, entre ma chambre et mes rêves d’enfant. je pensais certainement que ce joli rituel durerait toujours.
Pourtant, c’est arrivé… Impossible de me souvenir quand… Mais, tout s’est arrêté.
J’ai grandi, sans m’en rendre compte. Aspirant, espérant toujours devenir plus mûr, plus adulte, plus âgé, plus responsable.
Je suis parti, laissant mes colocataires de tissus seuls face aux ombres de la nuit… Sans personne à consoler ou rassurer. Seuls, face à une porte fermée que Maman n’ouvrira plus pour chantonner ses doux refrains.
Je regarde dehors. Il fait nuit si tôt ce soir… J’ai grandi trop vite… Je n’ai plus peur des ombres désormais… J’ai surtout peur de la vie qui va recommencer sa boucle infernale au petit matin… Et je pense que c’est ça… Etre un Adulte.
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