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Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Les Chroniques d'un Auteur Perdu 2010 (Chapitre 12)


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Qui aurait cru que la neige viendrait nous surprendre au milieu des douceurs de décembre ?


La capitale s’est métamorphosée en quelques jours. Le froid est arrivé et Paris s’est couvert d’un manteau blanc que l’on voit habituellement si peu par ici…


La neige semble tomber en continue dans les boulevards. Elle apporte le calme… Le silence. Elle a changé nos habitudes et déréglé nos courses effrénées.


Les voitures peinent à circuler dans Paris et les métros s’annulent les uns après les autres.


La neige nous contraint à ralentir…


Au 14 de la rue Bergère aussi nous avons dû nous adapter à ce nouveau rythme. Beaucoup de collaborateurs de la banque ne se déplacent plus à leurs bureaux.


Avec Zahara nous annulons les réunions, les formations et les visioconférences à tour de bras ces jours-ci.


Bien évidemment, la beauté des flocons de neige n’a pas adouci le caractère de notre chère Madame Zeitoun.


Elle travaille depuis chez elle mais nous téléphone chaque matin à 8 h précise ! Elle ne tolère aucun retard… peu importe les conditions météorologiques exceptionnelles et les fermetures de lignes de métro.


On dirait qu’elle attend, avec impatience, le moment où l’un de nous flanchera…


Mais avec Zahara, nous nous soutenons secrètement. Bien évidement qu’avec toute cette neige dans Paris nous sommes en retard chaque matin !


Mais nous camouflons habilement nos absences.


Nous nous sommes échangés nos codes d’accès… Le premier arrivé couvre l’autre !


Tous les matins, Madame Zeitoun découvre que nous sommes connectés et au travail à la bonne heure… Même si ce n’est pas toujours le cas.


Le hall de la banque est calme… Nous avons assez peu de travail. De ce fait, nous buvons beaucoup de boissons chaudes et papotons de tout et de rien pour tuer le temps.


Je profite de ces instants assez particulier pour faire lire mes premières ébauches de contes à Zahara.


Je sais que l’univers de Faery peut-être complexe et pas toujours compréhensible… Je m’assure donc que Zahara a toute les cartes en main pour comprendre où je veux amener mon histoire.


Le soir, lorsque je passe à la station Auber, je retrouve Pépé et son chien Diego.


Les jours sont rudes pour lui… Bien plus que d’habitude.


Comme je dois attendre des heures interminables pour espérer monter dans un métro, j’en profite pour passer un petit moment avec Pépé.


Nous nous installons au chaud, dans un café près des grands magasins pendant que Diego nous regarde, assis sagement près de la vitre de la devanture.


Les premiers temps, Pépé n’était pas très bavard… Mais de fil en aiguille… ou devrais-je dire de café en café, il commence à s’ouvrir.


J’en apprends plus sur sa condition de SDF, sur sa précarité, ses difficultés, sur l’amour qui le lie à Diego… Sur la famille qu’il a perdu.


Moi aussi, je me livre un peu plus à cet homme que j’ai connu dans les couloirs du métro.


Je raconte mon expérience désastreuse chez Manoli, je lui parle de l’écriture, de mes chroniques… De ces boulots que j’enchaine sans grandes convictions.


Nous ne cherchons pas du réconfort… Nous nous contentons de nous confier… De nous écouter.


Nous savons bien que nous ne pouvons pas nous sauver l’un l’autre… Et c’est peut être ça qui rend ces cafés si amères…

Non. La neige ne nous a pas quitté. Elle continue de s’accumuler dans les boulevards et sur les rebords de fenêtre.


J’ai passé ma journée adossé à la mienne…


Cela fait des heures que je griffonne des idées, des histoires peu pertinentes…


Pour ne rien vous cacher, je suis vite happé par la beauté des flocons… Hypnotisé par ce spectacle si simple, si doux…


Comme un bon nombre de mes voisins, à en jugé par leur présence aux fenêtres.


Au fond de moi, j’aimerai que la neige s’arrête… Qu’elle nous offre une trêve.


Ce soir, je dois me rendre à un concert avec une amie,Virginie. Cela fait des mois que nous attendions cette date. Dorothée, la star de notre enfance remonte sur scène après des années d’absences.


Tous ceux qui ont grandi dans les années 80-90 connaissent Dorothée. C’était la présentatrice d’une émission devenue culte : « Le Club Dorothée ».


Cette émission quotidienne, diffusée sur la plus grande chaine de télévision, nous offrait des dessins animés, des séries mais elle proposait aussi des chansons et des programmes éducatifs.


Les mercredis après-midi, le Club Dorothée devenait un véritable show sur une immense scène où Dorothée se transformait en rock-star.


Mon téléphone se met à sonner et m’extirpe de l’envoutante valse des flocons.


Virginie est aussi déçue que moi :


« Julien tu as vu toute cette neige ! Je pense que ça ne sert à rien de se déplacer au concert de Dorothée… »


J’essaie de convaincre Virginie par tous les moyens. Je veux absolument assister à ce spectacle ! je l’attends depuis bien trop longtemps… Depuis 1994 ! Date à laquelle j’avais vu Dorothée sur scène pour la dernière fois.


Après avoir usé de persuasion, Virginie se range derrière ma volonté…

Après tout, elle aussi a envie de revivre, le temps d’un soir, le bonheur des années 90.


Nous nous retrouvons donc à une station de métro… Bien assez tôt pour s’assurer d’être à l’heure au concert.


Nous sommes emmitouflés de la tête aux pieds. Le vent est glacial et la neige beaucoup moins gracieuse que par ma fenêtre.


Dans le métro, nous chantons déjà les chansons de Dorothée…


A 19 heures, une bonne heure avant le début du concert, nous arrivons devant le Palais Omnisports de Paris Bercy.


Je dois vous avouer que je suis ému. C’est un peu mon enfance qui renait ce soir.


Cette salle immense est toujours aussi impressionnante et l’idée d’y revoir à nouveau Dorothée est autant excitante qu’inespérée.


Nous montrons les places à l’ouvreuse qui nous dirige dans les rangées de Bercy. Au fur et à mesure que l’on descend les gradins, nous nous mettons à sourire comme des enfants.


Nous ignorons pourquoi mais nos places se trouvent en plein coeur du carré VIP.


Autour de nous, nous avons les acteurs des sitcoms du club Dorothée comme « Hélène et les garçons ou « Premiers baisers », des journalistes et des chroniqueurs TV.


Nous ne pouvons retenir nos fous rires nerveux. Nous nous délectons de ce privilège.


Un peu avant le début du concert, un animateur TV vient s’assoir sur le siège resté vide à côté de moi.


Il commence à me parler brièvement mais les lumières de la salle s’éteignent et Dorothée fait son entrée triomphale sur scène.


(pause musicale)


A l’entracte, Virginie quitte les gradins pour aller fumer dehors.


L’animateur en profite pour engager la conversation avec moi. Il me demande si je suis acteur, chanteur, journaliste ou que sais-je encore.


Je suis mal à l’aise car, en vérité, ma présence dans ce carré VIP n’est qu’une grossière erreur.


Je tente tout de même de me donner une contenance et de lui parler de mon blog « All the Little Things ».


Au fur et à mesure de notre conversation, je perçois que tout cela se transforme un peu en jeu de séduction.


Ce qui ne me déplait pas… Car cet animateur est charmant.


Je fais tout pour ne pas laisser paraitre que ce jeu d’adolescent m’amuse.


Ce garçon est très à l’aise avec son image… Peut-être même un brin prétentieux.


Je suis malgré tout charmé par son assurance et par l’interêt qu’il me porte.


Virginie revient s’installer près de nous et le spectacle reprend de plus belle.


Durant cette deuxième partie, nous nous levons de nos sièges et nous mettons avec danser avec l’animateur. Nous sommes de nouveau des enfants !


Je savoure les instants furtifs où nos mains se frôlent sans trop le vouloir… Les regards que l’on s’échangent aux hasards des stroboscopes.


L’heure tourne… Elle tourne et je danse… Je danse et j’en oublie complètement la neige et le dernier métro.


Tandis que Dorothée chante sa dernière chanson, Virginie me ramène à la réalité…


« Il faudrait qu’on parte… On va rater le dernier métro ! »


Nous filons en douce aux milieu des spectateurs euphoriques en espérant que les trains circulent toujours malgré la neige.


J’aurai voulu dire au revoir à mon animateur TV mais il est happé par le concert et continue de se déhancher avec d’autres stars de télévision.


Je m’engage dans le couloir qui remonte les gradins et mène à la sortie.


Après quelques minutes, je sens une main qui se saisit de la mienne avec délicatesse.


Sans me retourner, j’esquisse déjà un sourire. Je sais qu’il est revenu me chercher.


« Comme ça tu partait sans me dire au revoir ? »


« Il est tard et on va rater notre dernier métro ! »


L’animateur sort une carte de visite de sa poche.


« Appelle- moi ! j’aimerai beaucoup qu’on se revoit !… Pour un café ? »


Là tout de suite, j’ai l’impression d’être Cendrillon qui prend la fuite à minuit. Le prince charmant m’a rattrapé avant que je monte dans mon dernier métro et ne disparaisse à jamais.


Je lui promet de l’appeler et je quitte Bercy avec Virginie.


Dans le métro du retour, nous nous endormons…


J’ai des rêves plein la tête… Des rêves qui ne concernent ni l’écriture, ni mes chroniques.


Une fois chez moi, je me rassois près de la fenêtre… Je n’arrive plus à trouver le sommeil.


La neige continue de tomber… Encore… Et encore. Je commence à écrire cette chronique pour Dorothée et mes souvenirs d’enfance.



Chronique n°12

Aujourd’hui, je m’intéresse à ces marques que l’enfance nous laissent. Ces souvenirs, bons ou mauvais, qui, nous accompagnent et nous forgent.

Je vais vous raconte une petite histoire faite de broutilles. Pourtant, à mes yeux, ce sont des souvenirs impérissables… Une lueur rassurante qui restera à jamais dans mon petit coeur.


Nous sommes le 18 décembre 2010, malgré le froid qui englobe la France et la neige qui tombe sur la capitale, je me prépare à retrouver celle qui a bercé mes après-midi de bambin… Dorothée. Pour mieux comprendre cette jolie petite histoire, il faut remonter à l’hiver 1990. En ce temps là, je n’ai que trois ans, pas de soucis dans la tête, pas de devoirs dans mon cartable… Juste mon vieux magnétophone à cassettes pour écouter cette chanson qui est sur toutes les lèvres à l’école maternelle : Hou la Menteuse !


J’habite avec Papa et Maman dans un petit HLM de Noisiel. Il n’y a qu’une seule émission que je ne raterais pour rien au monde… Tous les après-midis, je m’assois confortablement dans le canapé à côté de Maman. Je mange mon pain au chocolat, accompagné d’un verre de jus d’orange. Nous regardons ensemble le Club Dorothée. Aujourd’hui, Papa rentre juste à temps pour voir la fin de l’émission qui se termine ce soir par la chanson « Tremblement de Terre ».


Un mercredi après midi de cet hiver 90, Maman me prépare une sortie inattendue sur Paris. Je n’ai pas envie de sortir. Je boude car elle me fait rater le Club Dorothée spécial concert à Bercy présenté par Jacky, Ariane, Corbier et Patrick.

Après 40 minutes dans un RER à bougonner, j’arrive devant le fabuleux Palais Omnisports de Paris Bercy. Je comprends rapidement que Maman vient de nous offrir deux places pour le spectacle de Dorothée. Je pourrais vous raconter ce moment de bonheur à regarder Dorothée sur scène. Mais, je vous mentirais, car en réalité je n’en ai absolument aucun souvenir…Celle qui s’en souvient le mieux, c’est ma Maman.


J’adore lorsqu’elle évoque avec nostalgie cet après midi. Nous avions les places les moins chers, perchées au sommet de Bercy. Ma mère craignait que je sois bien trop petit pour aller à un concert mais elle tenta l’expérience. La suite, vous vous en doutez… Je ne suis pas resté sur ma chaise un seul instant. J’ai dansé, sauté avec papa nounours sous le bras et le micro de mon magnétophone à cassettes dans les mains pour imiter mon idole. Nous avons chanter avec Dorothée «Allo Monsieur L’ordinateur » ou encore « Maman».


J’ai maintenant 4 ans, les compacts disques remplacent peu à peu les cassettes. Pourtant, cet été là sur les routes de Provence, dans la voiture de Tonton Jean Pierre, j’écoute encore les chansons de Dorothée sur le radiocassette, entre deux vomissements dans les herbes des ravins (oui j’ai toujours été malade en voiture!).

Pour consoler mon petit coeur malade, Tonton m’achète mes premiers compacts disques (je vous le donne en mille) : « Dorothée et le jardin des chansons ».


De retour à Paris, une nouvelle année scolaire démarre. Chaque dimanche, je retrouve le sourire devant « Pas de Pitié pour les croissants » et « Terre Attention Danger ». A l’approche des fêtes, cette peste de Charline me pousse d’un banc dans la cour de récré. Résultat, fracture au bras et une grosse frayeur pour tout le monde. Dans le fond, ma seule déception aura été de rater la venue du père Noël à la cantine pour sa traditionnelle distribution de chocolats. Pour remonter mon moral, Maman s’empresse de me montrer sur le télé 7 jours, qui ne quitte jamais la table du salon, que Dorothée est en Prime time pour le réveillon de Noël. Elle présente une émission musicale intitulée « Le cadeau de Noël ».


C’est donc une évidence, ce 24 décembre se déroule devant TF1. Dans mon assiette il y a un steak et des pommes noisettes, j’ai même droit à mon verre de champomy. Papa et Maman eux ont un repas certes plus élaboré, pourtant, ce soir, nous sommes tous les 3 des enfants en attendant l’arrivée du Père Noël à Noisiel.


Comme tous les 25 décembre, il y a l’ouverture des cadeaux sous le sapin. Une nouvelle fois, Dorothée est de la partie avec le CD "les Neiges de l’Himalaya". En découvrant mes cadeaux, je ne pense plus qu’à une chose : l’arrivée de Mimi, la vieille cousine de mon Papa. Je la considère un peu comme ma troisième grand-mère et sa plus grande qualité à mes yeux, c’est qu’elle adore Dorothée.


Dès que l’interphone sonne, j’accoure avec mon nouveau CD dans les mains. Mimi arrive toujours les bras chargés de bons plats achetés par ci par là. Même si j’adore toutes ces attentions qu’elle nous porte, il n’y en a qu’une chose que j’attends avec impatience : c’est de chanter avec elle les chansons de Dorothée.


Pendant que je fredonne ces mélodies sur les genoux de Mimi, elle sort discrètement de son sac, quatre billets pour le concert de Dorothée, Bercy 92. Quelques semaines plus tard me voilà de nouveau à Bercy avec Papa, Maman et même Mimi. On a chanté et rigolé sur "Les Neiges de L'Himalaya" ou encore "Attention Danger"… J’ai même rencontré Dorothée car je ne pouvais pas lui offrir la traditionnelle rose en bas de la scène à cause de mon bras dans le plâtre. J’ai donc rejoins les membres du Club Dorothée dans les coulisses pour la lui remettre…(Un moment de timidité intense)


Nous sommes en 1993, je me demande toujours pourquoi, je ne suis pas dans le générique des anniversaires du Club Dorothée… (Chose que je comprendrai bien plus tard… car je n’avais tout simplement pas ma carte de membre).

Cette année là, Dorothée chante « Une Histoire d’Amour ». Mimi et Maman s’empressent de m’emmener la voir une nouvelle fois à Bercy. Papa prépare notre départ du petit HLM pour un appartement plus grand à Noisiel. Tous les soirs avec Maman, notre petit rituel ne faiblit pas. Nous regardons ensemble les sitcoms AB (Hélène et les Garçons, Premier baiser, Salut les musclés…).


L’été 93, je découvre un nouveau chez nous et aussi une nouvelle école. J’ai désormais 6 ans. Pendant que Papa et Maman repeignent les murs de notre nouvel appartement avec Tatie et Mimi, je redécouvre, dans les cartons, tous les anciens CD de mon idole.


A l’école primaire, je me fais une nouvelle camarade de jeux : Marine. Maman m’inscrit au conservatoire de musique. Les activités musicales monopolisent mes mercredis après-midis. Certains pourraient penser que j’abandonne le Club Dorothée... pourtant, même s’il m’est impossible de le regarder dans sa totalité, il y a toujours une place pour mes copains préférés.


En 1994, je vais sur mes 7 ans. Dorothée voit trèèèèès loin dans le temps et chante « l’an 2394 ». De mon côté, je découvre les joies de l’école et des devoirs. Mimi vient presque tous les dimanches à la maison. Notre rendez-vous avec les chansons de Dorothée reste intact. En réalité, mon attrait pour le Club Dorothée diminue. Je passe plus de temps chez Marine à jouer et discuter qu’à regarder la télévision.


Mimi m’offre une énième fois des places pour voir Dorothée à Bercy. C’est avec Maman et Papa que je m’y rends pour danser, chanter, crier et hurler ! Ce spectacle restera dans ma mémoire… Un moment magique qui ne présageait en rien que je ne reverrai plus Dorothée sur scène pendant 16 ans.


Les modes passent, les musiques changent et les enfants grandissent. Marine se trémousse sur les airs des Spice Girls. Moi, je voue une passion sans faille pour les Pogs et les billes. Les mercredis se déroulent désormais de la sorte :

Le matin : cours de solfège

Début d’après midi : cours de trompette

Fin d’après-midi : cours de chant.


L’école devient de plus en plus omniprésente. Les leçons et les devoirs polluent mes rêveries enfantines. Mais le Club Do n’est jamais très loin. Ma cousine Caroline est toujours aussi fan d’Hélène. Elle vient depuis le sud de la France pour la voir se produire sur la scène de Bercy. (Il allait de soi que j’étais de la partie avec Papa et même Marine).


Un après midi, chez Marine, je découvre le nouvel album de Dorothée "Nashville Tennessee ». Celle-ci y entonne fièrement "je suis Folle de Vous". Maman regarde

désormais seule les émissions du Club Do pendant que je suis au conservatoire. Elle m’enregistre, sur de vieilles VHS, les séries qui m’intéressent et surtout les chansons de Dorothée.


En 1996, j’ai 9 ans. Je passe mes après-midis avec Marine. Nous espionnons les rencards foireux de mes deux voisins, Michaël et Stéphane, qui sont en pleine adolescence. Ils retrouvent, en cachette, sur la colline derrière l’école, des petites copines peu glamours avec leurs vestes en jeans et leurs appareils dentaire. Cachée derrière un buisson, Marine pouffe de rires tandis que je dévore un sachet de m&m’s. Je me demande pourquoi je suis autant fasciné par les lèvres de Michaël qui offrent leurs premiers baisers. Ce soir, je ne regarderai pas le Club Dorothée.


Mimi vient toujours les dimanches chez Papa et Maman. Désormais, je me sens assez grand pour participer au conversation et boire du café (au lait) comme un adulte. « Les chaussettes rouges et jaunes à petits pois », « les Neiges de l’Himalaya » ou « Ho dou lou » resteront dans ma chambre cet après midi. Mimi préfère désormais m’entendre jouer des petits airs de jazz à la trompette.


En 1997, ce sont les premiers voyages et les premières fêtes. Je pars en classe de découverte en Lozère. Papa, Maman et Mimi m’accompagnent au bus qui nous attend à 19h devant l’école. Mimi me glisse un morceau de sucre dans la poche pour mon mal de transport récurrent. Martin, mon nouveau camarade de classe est impatient. Nous allons partager notre chambre et c’est la première fois que nous laissons les parents derrière nous. Arrivé en Lozère avec ma classe, je fête mes 10 ans et pour l’occasion l’institutrice prépare une boum dans le hall du centre.


Les musiques ne sont plus les mêmes. On se trémousse sur la Macarena ou les tubes des boys bands… Pas une minute je ne pense à Dorothée… Il semble évident que j’ai grandi. Elle chante « Bonheur city ». Je l’aperçois de temps en temps sur le petit écran. J’espère qu’elle bercera la génération qui me succède.


L’été, c’est l’occasion de partir et se retrouver en famille chez Mamie et Papi dans le sud de la France. Mais au milieu de mes jeux, des Tamagotchi et autres Furby, je découvre avec étonnement sur le programme télé : Le Club Dorothée ferme ses portes. En rentrant à Noisiel, le 30 août 1997, je vais faire quelque chose qui ne m’était pas arrivée depuis bien longtemps. Je m’assoie dans mon canapé, un pain au chocolat et un verre de jus d’orange sur la table, j’allume la télé pour un ultime Club Dorothée. Je regarde Dorothée chanter avec émotion : "Un jour on se retrouvera."


Dans le fond, je n’ai pas compris que c’était la fin… j’étais tellement à mille lieux des polémiques qu’essuyait le programme. Des polémiques (d’ailleurs) qui peuvent faire doucement rire quand on regarde le contenu de la télé d’aujourd’hui.


En 2003, Je quitte Noisiel… Et Mimi nous quitte. Le dernier maillon qui me liait aux années Dorothée semble perdu à jamais. Ma belle, ma jolie Mimi… Dois-je à mon tour lui chanter « un jour on se retrouvera » ? Je n’ai jamais dis à Papa et Maman à quel point sa disparition m’a affecté… J’ai préféré paraître fort et… Survivre.


Alors que je vois peu à peu les gens que j’aime, mentir, changer ou partir, il est évident que Dorothée a fait de même… On ne se retrouvera jamais.


En 2010, j’ai 23 ans. Marine a accouché d’un petit garçon. Papa et Maman vivent désormais seuls. Je travaille d’arrache pied sur mon premier roman tout en alliant une vie professionnelle. D’abord artiste pour Mickey, puis conseiller de mode pour Manoli, me voilà hôte d’accueil dans le siège social d’une grande banque.


Cette année, Dorothée revient et redonne à mon coeur une bouffée de bonheur. Je n’ai pas le temps (hélas) d’aller la voir à l’Olympia. Pourtant comme si j’avais vaincu le temps, j’écoute "Coup de Tonnerre" entre "I gotta Feeling" des Black Eyed Peas et "Telephone" de Lady Gaga.


Nous revoilà donc le 18 décembre 2010. Malgré le froid qui englobe la France et la neige qui tombe sur la capitale, je suis devant Bercy. Je n’ai pas remis les pieds dans cette salle mythique depuis la fin des années Club Do. En donnant mon billet à l’entrée, puis en traversant les longs couloirs de Bercy, toutes mes pensées sont tournées vers mon enfance… D’abord Maman et Papa qui gardent avec nostalgie l’image d’un programme familial qui m’a vu grandir… Tonton Jean Pierre et les routes de Provence gravés, pour toujours, sur une vielle cassette de Dorothée à la bande grésillante… Marine et notre amitié aussi dansante que Rock’n roll… Et surtout, Mimi que je porte, ce soir plus que jamais, au plus près de mon coeur.


Désormais je repense à cette promesse… la vie nous offre bien du bonheur.

A 20h45, les lumières s’éteignent. La salle en délire scande le nom de l’idole d’une génération… Un spectacle de folie commence. Bizarrement, l’ambiance n’a jamais

été aussi folle. Il fallait être là pour réellement se rendre compte du phénomène. Pour comprendre cette marque que Dorothée a laissé dans les mémoires.


Cette histoire se termine. Vous comprendrez peut être que je ne vous ai pas raconté celle de Dorothée… Car ce que les gens mal intentionnés ne comprendront jamais dans ce drôle de récit, c’est qu’il ne s’agit pas d’elle, ni de nous, ni de ce qu’elle est ou ce que nous étions… Il s’agit juste de l’enfance. De cette marque qu’elle nous laisse.


Comme bon nombre d’enfants de ma génération, c’est Dorothée qui m’a tenu la main pendant ce voyage. Voilà le rôle qu’elle a eu auprès de nous, ni plus ni moins… c’est déjà beaucoup.

La marque de cette enfance avec toi Dorothée, c’est des chansons, c’est un magnétophone à cassettes, c’est Papa et Maman rien que pour moi, mon nounours qui danse dans mes bras et Mimi qui chante tout bas…


Tu resteras un petit bout de femme, un lien indéfectible, un pilier qui nous a tant de fois soutenu. Et puisque ce soir, le temps n’a plus vraiment de sens, j’ai envie de te dire que Je suis fou de toi et à présent j’en suis sûr… Demain on se retrouvera.

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