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Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Et s'en vient le redoux (Chronique #131)

Dernière mise à jour : 18 févr. 2021


29 Mars 2018,

Aujourd’hui, j'ai la chance de vivre au calme. Dans une petite ville charmante et sans artifices, au plus près de la nature et loin des besoins matériels. J'ai l'impression d'être débarrassé du superflu et du stress. Même l'écriture est revenue dans ma vie. Elle occupe de nouveau une place importante. Cependant, je n’oublie pas mes objectifs : je suis venu jusque ici pour obtenir mon diplôme en Protection de la faune. L’école forestière de La Tuque m’a redonné confiance en moi et en mes capacités. Ce merveilleux cadeau, je le dois surtout à nos professeurs. Les rues de La Tuque changent de jour en jour. L’hiver commence à faiblir, les températures remontent lentement... et la neige fond doucement. Nous redécouvrons les trottoirs, les sentiers et les routes. La nature se réveille… Et malgré cela, mon coeur ne peut s’empêcher d’appréhender la fin de l’hiver…

Chronique n°131 : Et s'en vient le redoux


Depuis quelques jours déjà, les rues de La Tuque ont changé. La neige est devenue lourde et pesante. Les forêts d’épinettes ont abandonné leur manteau blanc. On dirait qu’il se trame quelque chose par ici… Moi qui pensais que notre hiver était fort et robuste... Le voilà qui file, nous abandonne peu à peu… Et s’en vient le redoux.

Sur les bords de routes, les bancs de neige ont disparu. Ils laissent place à, ce que les québécois appellent si joliment, la « slush ». Un mélange de boue et de glace que les chars trainent avec eux de quartiers en quartiers. On dirait qu’il se trame quelque chose par ici… Moi qui m’étais habitué aux paysages blancs et harmonieux, les voilà qui se salissent et dépérissent peu à peu… Et s’en vient le redoux.

Sur les toits des maisons, les tuiles réapparaissent timidement. La glace, figée sur le bord des gouttières, se craquelle, tombe et s’évapore. La poudreuse glisse des habitations avec vacarmes. Elle s’écrase grossièrement sur les quelques monticules restant dans les avants-cours… On dirait qu’il se trame quelque chose par ici… J'espérais encore un peu profiter de ces boulevards scintillants, de ces matins frais où la neige rends La Tuque si silencieuse. Tout disparaît peu à peu… Et s’en vient le redoux.


Sur les sentiers forestiers, la neige épaisse devient molle, presque liquide. On ne distingue plus les traces de la course du lièvre, de l’escapade du renard ou de la ronde nocturne du loup. Les sillons tracés par les campagnols s’effacent. Leurs galeries de glace s’effondrent… On dirait qu’il se trame quelque chose par ici… Pourtant, j'aimais cette forêt sans aucun secret... Offerte, tel un livre ouvert. Le mystère y reprend ses droits peu à peu… Et s’en vient le redoux.

Il neige encore ce soir par la fenêtre de mon appartement… Mais ce n’est plus la même neige. Elle est dense et éphémère. Elle n’est capable que de s’accrocher aux poteaux électriques et à quelques lampadaires. L’hiver perd son emprise sur La Tuque. J’ai le coeur serré face à la mort lente des chemins enneigés…

Lorsque l’hiver nous aura définitivement quitté, mon voyage, ma fuite, seront sur le point de s’achever. Je voulais égoïstement que nous soyons éternellement hors du temps et des obligations. La fin se dessine peu à peu… Et s’en vient le doute.


Les saisons québécoises n’auront fait qu’une boucle… Et boucler ma valise pour m'emmener loin des étendues vierges de la Mauricie. Comment appréhender l’après, l’inconnu et le prochain changement ?… On dirait qu’il se trame encore bien des choses par ici… Je ne suis définitivement plus le même. Discrètement les premières pousses printanières se dévoilent. Je découvre les nouveaux contours qui me dessinent, me définissent peu à peu… Et s’en vient le redoux.

Depuis quelques jours déjà, les rues de La Tuque ont changé. La neige est devenue lourde, pesante. Je pense à mon retour, à mon départ pour la première fois. On dirait qu’il se trame quelque chose par ici… Moi qui pensais mon coeur puissant et déterminé, le voilà qui tremble, se remémore le règne des longs froids québécois qui nous abandonne peu à peu… Et s’en va l’hiver…

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