14 Mars 2019,
Durant un an, je n'ai cessé de parcourir les chemins et les sentiers de la vallée. Ces mêmes chemins et sentiers qu'empruntaient les Sorginak (les faiseuses de sorts) du Pays Basque. J'y ai appris leur philosophie, leur croyance, leur savoir... Quelques vérités, quelques légendes. J'ai appris à regarder la forêt autrement... à voir mon héritage sous un autre angle. En 1609, Pierre de Lancre a jugé et brulé de nombreux basques pour Sorcellerie dans la vallée... Il espérait surement faire disparaitre une pensée, des coutumes, des rites, des fêtes... Et pourtant... Malgré tous ses efforts... En 2019, les Sorcières sont toujours là... Elles protègent nos vallées et certaines de leurs coutumes sont parvenues jusqu'à nous...
Si vous vous intéressez aux Sorcières qui ont peuplé les vallées basques… Si votre curiosité vous amène à suivre les traces de Mari, Sugaar et Amalur (les dieux basques pré-chrétiens), il se peut que vous tombiez sur cet effroyable personnage.
Pierre De Lancre de son vrai non Pierre de Rosteguy est un magistrat français vivant à Bordeaux. Il est le fils d’une riche famille de Mauléon (Pays Basque) qui était déjà au service du Roi. Pierre De Lancre suit des études de droit mais aussi de théologie. Toute sa vie et son oeuvre est dévoué à l’Eglise de France. Son amour pour la Bible devient même sa principale folie.
Pierre De Lancre connait bien l’héritage païen des vallées basques. Dans sa détestation des femmes et de leurs « pêchés », il écrira de nombreux ouvrages ramenant celle-ci au statut de pécheresses et de sorcières : Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons (1612) Incrédulité et mescréance du sortilège (1622)
Pierre De Lancre arrive dans le labour en 1609 sur ordre du Roi Henri IV. Beaucoup de religieux de passage au Pays Basque, raconte au Roi que les Basques ne sont pas de bon chrétien. Certains s’adonneraient même à la sorcellerie, célèbreraient des rites sataniques conduit parfois par des hommes d’Eglise. Saint Jean de Luz est l’une des villes les plus cités par les religieux. Le Roi y envoie donc Pierre De Lancre en lui donnant tous les pouvoirs nécessaires pour faire cesser ces agissements.
A cet époque, la ville de Saint Jean de Luz vit essentiellement de la pêche et plus particulièrement de la chasse à la baleine. Les marins basques suivent les cétacés dans leur migration pour assurer le rayonnement économique de la baie de Saint Jean. Ils partent durant l’été jusqu’à Terre Neuve au Canada. Pierre De Lancre va alors découvrir l’impensable. Durant l’absence des marins pendant plusieurs saisons, les femmes des villages s’imposent et gèrent l’économie de la région. Certaines sont chefs de villages, d’autres forgerons, commerçantes, médecins ou même agricultrices. Pierre De Lancre découvre que ce mode de vie s’étends dans les vallées et pas seulement à Saint Jean de Luz.
Dans sa détestation de la femme et du « pêché qu’elle porte en elle », Pierre De Lancre est convaincu : Les femmes basques sont des sorcières qui ont envouté tous les hommes de la région. Assez lâche, il va attendre le départ des marins vers Terre-Neuve. Une fois les hommes partis, il commence à opérer de nombreuses arrestations. Pierre De Lancre organise des procès dans le Labour. Dans son château à Saint-Pée sur Nivelle, il va séquestrer de nombreuses femmes et en torturer certaines pour allonger la liste des sorcières. Plus de six cent personnes (femmes, enfants, hommes, religieux) seront jugés pour sorcellerie.
Pierre De Lancre déstabilise la région. Les Basques terrorisés commencent à se dénoncer les uns, les autres et à raconter les histoires les plus farfelus… Dans sa folie, Pierre de Lancre les croit bien-sûr et s’alimente de ces récits pour ces futurs ouvrages.
Contrairement au procès en Sorcellerie de la Navarre (Espagne), les procès du Labour (en France) ne sont plus consultables. Ils ont péris dans les incendies de la ville de Bordeaux durant la révolution française de 1789. Nous ignorons donc aujourd’hui combien de personnes furent condamné par le feu dans la région. En se référant aux archives de la chasse aux Sorcières du coté espagnol, on pourrait estimé à 100 personnes, les victimes de cette triste période côté Pays Basque français. Sans aucune certitude…
En réalité, la terrible inquisition de Pierre De Lancre ne durera que quatre mois dans le Labour. Une légende de chez-nous raconte que les marins, furent prévenu de ce qui se passait dans les villages basques. Ils reprirent sans plus tarder la mer et chassèrent l’abominable Pierre De Lancre qui repartit honteusement à Bordeaux. Mais l’Histoire semble donner une toute autre raison à la chute de Pierre De Lancre. Dans la folie de ses procès et de ses condamnations, Pierre De Lancre commença à juger et bruler des prêtres, des soeurs et des moines… Ce qui irrita particulièrement le Roi qui demanda sans plus attendre à Pierre De Lancre de se retirer.
Une fois celui-ci parti, la vie reprit son court… Malgré la violences des procès en sorcellerie dans le Labour, les femmes basques ont conservé leur pouvoir et leur importance dans la vie des villages. 1609 fut une année tragique pour le Pays Basque français et pour ses traditions ancestrales. Malheureusement, la chasse aux sorcières étaient loin d’être terminée puisque dès 1610, c’est l’inquisition espagnol qui commença à juger les habitants de la Navarre et plus particulièrement ceux de Zugarramurdi.
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