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Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Les Tisanes (Chronique #167)


10 Décembre 2018,

J'ai vraiment espéré que les vallées basques m'enlacent et me retiennent. Mais mon coeur voyageur n'arrive pas à effacer les Grandes Terres Québécoises. Je profite de mes promenades, de ma grand-mère et des nuits de tisanes comme si tout cela allait bientôt s'arrêter. Dans le fond, je sais déjà que je vais repartir, je n'arrive juste pas encore à m'en convaincre... Et encore moins à le dire.

Comme j’aime l’odeur de nos tisanes.

Une fois que j’ai quitté la vallée, c’est ma grand-mère et ses histoires que je retrouve.

Elles sont belles nos confidences sous les douces vapeurs d’eau chaude.

L’odeur de la camomille fait renaitre mes aspirations enfantines.

Je suis un petit garçon lorsque nos tisanes embaument la nuit.


Dehors, le vent encore chaud balaie les dernières feuilles des grands chênes,

Tandis que l’hiver s’immisce déjà dans les hautes herbes.

Nous sommes des voyageurs perdus entre deux saisons,

Nous buvons nos tisanes sous le dernier chant des grillons.

L’odeur de la verveine s’envole avec les couleurs de l’automne.


Comme j’aime l’odeur de nos tisanes.

Mais j’aime encore plus écouter les récits de ma grand-mère.

Ce n’est pas la première fois que je les entends.

A dire vraie, comme toutes les vielles dames, ma mémé radote.

Pourtant j’aimerais que jamais rien de s’arrête, j’aimerais que nos tasses jamais ne se vident.


Dehors, le vent encore chaud balaie les dernières feuilles des grands chênes.

Grâce à nos tisanes, nous faisons revivre Grand-père, Amatxi et Aitatxi.

Nous repeuplons la maison, nous recréons les fêtes et les célébrations.

J’emmène ma Grand mère sur des sentiers que jadis elle empruntait.

Je bois ma tisane avec délicatesse pour que ces instants jamais ne cessent.


Comme j’aime l’odeur de nos tisanes,

De la fleur d’orangé, de la vanille et de la pomme séchée.

J’aime écouter ces récits qui ne sont pas les miens.

Laisser ma Grand mère faire revivre des villages qui n’existent plus,

Des rivières et des lacs disparus.

Dehors, le vent encore chaud balaie les dernières feuilles des grands chênes.

Nos tisanes sont devenues rituelles. Nos confidences, des ritournelles.


J’ai si peur de casser notre cadence.

Comment dire à Grand-mère que je vais partir ?

Que les odeurs de nos tisanes vont s’amoindrir ?


Comme j’aime l’odeur de nos tisanes,

Il n’y a qu’ici qu’elles auront ce parfum si enivrant.

Qu’ici qu’elles referont vivre nos récits chancelant.


L’automne est mort ce soir,

sous les effluves fantomatiques s’échappant de la vieille porcelaine.

Happés par nos histoires, nous ne lui avons même pas dit Au revoir…

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