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Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

L'amour, moi et... Le syndrome de l'écrivain (Chronique #19)

Dernière mise à jour : 27 mai 2020


25 Février 2011,

J'ai déjà plus d'une fois traité de ce sujet dans mes chroniques précédentes : Le combat incessant entre l'art et l'amour chez l'écrivain. Nous passons souvent pour les fous, des marginaux, voir même parfois... pour des personnes insensibles. Croyez-moi le choix de l'écriture est bien plus complexe et déchirant qu'il n'y paraît. Ce n'est pas facile de vivre avec le syndrome de l'écrivain...

Les chapitres de mon roman avancent à toute vitesse. Il faut dire que je n’offre mon temps qu’à l’écriture. Aujourd’hui j’ai décidé de faire une pause, histoire de garder un semblant de vie sociale et de ne pas devenir le genre de personne qui perd totalement le nord à force de vivre dans un monde imaginaire. Cet après midi, j’ai fermé mes cahiers, mon ordinateur et j’ai pris le métro afin de revoir une vieille amie. Nous avons passé plusieurs heures dans un petit café de Montmartre à évoquer nos histoires passées avec nostalgie et recul.

Tout se passait à merveille, jusqu’à cet instant… Ce moment où elle pointa sous mon nez, la bague de Fiançailles. Mon amie va se fiancer ! Je suis très septique lorsqu’il s’agit d’amour. Vous comprendrez certainement pourquoi ce café-allongé passa de travers, au point presque de m’étouffer. J’ai cru l’espace d’un instant que j’avais moi-même avalé la bague.


Après cette réaction incontrôlée, vient l’instant où vous devez soit être sincère, au risque de déchainer des tempêtes incontrôlables ou bien faire passer votre étonnement pour un bonheur infini.

Un bonheur que vous ponctuerez de petits cris (virils), que vous distillerez autour de vous, pour que tous les clients du café comprennent la portée que l’événement a sur votre cœur.


Il arrive aussi que même en cherchant à être au sommet de l’hystérie, vous récoltiez malgré tout une réflexion qui vous ramène à votre statut d’artiste célibataire. Chose que vous tentiez d’éviter en sur-jouant cet instant. C’est exactement ce qu’il m’est arrivé cet après midi lorsque mon amie avec un large sourire m’a lancé : « Tu devrais toi aussi arrêter avec ton blog et tes chroniques que personne ne lis. Quitte un peu ton imaginaire… va trouver l’amour ! »

Voilà qui me met face à un miroir pas très flatteur.


De retour chez moi, je me suis mis à réfléchir sur cette phrase. Il est vrai que l’écriture m'a toujours conduite en échec dans mes relations. Je déteste les relations amoureuses car dans mon cas, je trouve que l’amour me rend médiocre.

Aujourd’hui, la plupart de mes amis se trouvent être en couple. Dans ma relation exclusive avec l’écriture, ne suis-je finalement pas le seul cancre ? Suis-je atteint par le syndrome de l’écrivain ?


En 2007, j’ai suivi la master class du scénariste et écrivain américain Robert McKee. Il nous répétait sans cesse qu’il n’y a pas de demi-mesure dans l’écriture. Lorsqu’on se consacre à celle-ci, l’amour coule forcément. Je dois dire qu’à l’époque je n’y croyais guère… Dans le fond j’avais une situation bien établie : un copain, une belle famille parfaite et un chez « nous ». Seulement, le syndrome de l’écrivain, celui dont parlait Robert McKee… Je l’ai contracté.


Mais qu’est ce que le syndrome de l’écrivain, me demanderez-vous ? Dans mon cas, tout a commencé lorsque j’ai retrouvé les brouillons de mon roman dans de vieux cahiers qui traînaient ça et là dans l’appartement. Rien ne présageait les symptômes qui allaient en découler.


D’abord, une nuit, alors que l’amour envahissait la pièce, mon esprit ne pouvait s’empêcher de vagabonder ailleurs… S’interrogeant sur des personnages fictifs, des relations fictives. Laissant mon amour faire l’amour à un amoureux absent, lui-même amoureux d'un ailleurs inexistant.


Puis ensuite une journée, où au lieu de me concentrer sur mon travail, je griffonnais en cachette des idées. Je voyais naître de mes mains des amis, des amours, des combats, des enjeux, des destinées bien plus grandes, bien plus riches que le monde lui-même.


Le dernier stade de ce syndrome, c’est lorsque le temps des choix est arrivé. Une guerre sans merci a commencé dans ma tête mais aussi tout autour de moi. L’univers que j’avais crée prenait le pas sur ma vie, flirtant même avec la réalité. Mon entourage s’agaçait. Pour eux j’étais devenu fou. Ils avaient beau tenté d’exorciser mes passions… Rien ne me ramenait sur le droit chemin … Où devrais-je dire sur LEUR droit chemin.


Sachez que le choix que vous ferez sera votre seul antidote : sa fiabilité 49,9%. Soit vous restez atteint de ce syndrome, soit vous le combattez. Ce choix j’ai eu à le faire il y a déjà trois ans maintenant. J’ai fermé la porte de mon cœur à l’être en qui j’avais le plus confiance. J’ai déçu ma famille, bousillé ma carrière professionnelle… Tout ça pour… Ecrire.


Oui, Robert McKee avait raison, la vie et l’imaginaire sont incapables de se côtoyer. Le choix que vous ferez sera la seule garantie que vous êtes bien un écrivain. Il n’y a aucun diplôme, aucune ligne directrice dans la vie d’un auteur. La seule preuve que vous ayez, c’est ce jour… Ce moment où vous avez fait le choix : celui de la folie, celui de l’incertain… Tout simplement celui que personne ne comprendra.

Avec le recul, je peux le dire… Je hais mon besoin d’écrire tout autant qu’il me fascine et me rend vivant. Je l’ai dans la peau pour le meilleur et pour le pire. C’est une forme d’amour plus abstraite, plus cérébrale… Et dans ce cas précis, il n’y a pas besoin de bague, ni de pièce montée.

J’ai choisis de vivre avec mon syndrome de l’écrivain… Je rate probablement de nombreuses choses de la vie. Mais je reste rêveur. Malgré mon bon sens, il m’arrive d’espérer qu’un jour quelqu’un m’aimera avec ma maladie même si je dois attendre vingt ans. Ce souhait est cent fois plus agréable que la réalité d’un être aimant, qui dès demain, enverrait valser mon petit syndrome pour une danse qui ne suit pas mes pas.


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