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Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

L'Akelarre (Chronique #160)


31 octobre 2018,

Pour cette nuit particulière, je me suis rendu à Zuggaramurdi. Ce soir, le petit village, perdu entre les montagnes, célèbre les Sorcières... Les grottes qui abritaient autrefois leurs danses et leurs rituels sont un véritable lieu de fête... Malgré la beauté de cet instant et mon amour pour les légendes de ma terre, je réalise peu à peu qu'une énergie particulière me pousse à partir... Le Québec hante encore mes pensées...



Si vous n’êtes pas de mon pays… Et pas trop au fait des croyances et des mystères du monde invisible, vous me demanderez surement : qu’est ce qu’un Akelarre ?


Les Akelarre sont des lieux de rituels et de danses pour les Sorginak (les sorcières) de nos vallées. Généralement des grottes ou des cercles de pierre bien cachés dans les forêts, les vallées et les montagnes. Les Sorginak y allumaient des feux ardents. Elles y dansaient pour célébrer l’amour de Mari (la nature) et de Sugaar (la foudre, l’orage) ainsi que la bienveillance d’Amalur (la terre mère).


L’Akelarre le plus célèbre du Pays Basque, se trouve dans la grotte de Zuggaramurdi… Lieux de rassemblement des Sorcières depuis des temps immémoriaux. Mais aussi théâtre d’une époque plus sombre avec la violente inquisition de 1610 qui mit fin aux rassemblements et aux anciennes croyances.


Il se passe toujours des choses inexplicables et mystiques au coeur d’un Akelarre, même si les siècles coulent sur les pierres de nos grottes. Ce que je vais vous raconter, fera surement fuir les sceptiques… Et pourtant c’est mon histoire.


Depuis que je parcours les sentiers en cueillant les bruyères, je ressens un apaisement, une énergie puissante. J’ai trouvé tant de réponses au bord de l’eau. Durant l’été, j'ai passé une nuit dans ces bois... J'y ai rencontré une étrange Sorgin. Elle a guéri mes colères. Moi qui, jusque ici, me pensais à ma place… Exactement là où je rêvais de vivre… Je m’abreuvais de l’héritage de ma terre…Et malgré cela, mon bonheur restait âpre et aléatoire.


Je n’ai pas les moyens de mes ambitions. Les déceptions que j’accumule, depuis mon retour en France, m’éloignent de la richesse de ces vallées. Je ne les regarde plus avec autant d’admiration et de projets. Je finis par ne plus les comprendre. J’éprouve même le besoin de défaire notre lien.


Ce soir c’est « la Noche de las Brujas » (la nuit des sorcières). Dans les rues de Zuaggaramurdi, le temps est à la fête. On célèbre les sorcières. On danse, on chante, on joue à être ce que l’on n’est pas et à célébrer ce que l’on ne comprend plus. Je me demande si au milieu de cette foule se cachent encore quelques véritables Sorginak. Notre Folklore leur rend-il vraiment hommage ?


Aujourd’hui, on ne voit les Sorginak que comme des faiseuses de sorts et des vieilles dames recluses… Mais ces femmes et ces hommes (aussi) qui dansaient jadis dans les Akelarre étaient des êtres ouvert sur le monde et sa complexité. Ils savaient rendre à la nature, l’amour qu’elle offrait. Ils avaient appris que toutes les réponses à nos existences se trouvaient en son sein.


Que c’est beau de voir les gens s’oublier dans les danses païennes, de les voir communier avec l’impalpable. Une nouvelle fois, je prends conscience de l’importance du cercle dans nos cultures et nos héritages. Et si, de part et autre du monde, nous célébrions les mêmes énergies invisibles, les mêmes esprits, du cercle du Pow-wow de Wemotaci au cercle de l’Akelarre de Zuggaramurdi ?


Au milieu des foules costumées qui se pressent vers les grottes, j’ai reconnu soudainement la Sorgin. Celle qui était venue à moi, au bord de l’eau, par cette nuit d’été. Elle n’est pas la sorcière que je croyais… Elle semble puissante, importante. Et si cette enchanteresse qui suit mes pas était Amalur ?


Avec calme et gravité, elle a fendu la foule pour me guider une dernière fois. En posant sa main sur ma joue, elle m’a m’autoriser à quitter ses terres. Elle m’a juré que je retrouverai le chemin… Qu’un jour mon voyage me reconduirait ici.


Sans que je puisse répondre ou l’interroger, la voilà qui s’égare, s’efface parmi les Sorginak d’un soir. Demain je quitterai les vallées… je retrouverai Paris et sa rigueur… Je serais loin des Légendes et des Esprits, loin des Akelarre… La décision que je m’apprête à prendre va me séparer des vallées…. Mais je sais désormais que cette route est la bonne. Je dois croire la promesse d’Amalur… Je saurai revenir. Il est temps que je reparte au Canada...

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