25 Juin 2011,
C'est difficile d'être loin de la maison... D'être loin des sentiers où chantent les grillons et les hirondelles. C'est difficile d'être loin de la maison... Et de ne pouvoir dire adieu à quelqu'un qui s'en va... Cette chronique rend hommage à mon sang mêlé de basque, à mon grand-père... A une ancienne chanson et un futur voyage...
Nous avons tous une chanson… Une mélodie qui nous définit et nous porte bien plus que n’importe quelle autre. Pour moi, c’est ce court poème, cet hymne de mon Pays… Quelques mots qui me poursuivent où que j’aille.
Si je lui avais coupé les ailes,
Il aurait été mien,
Il ne se serait pas enfui,
Mais alors,
Il n'aurait plus été l'oiseau,
Et moi,
C'est l'oiseau que j'aimais.
Hegoak (Txoria Txori) est une chanson basque qui (d’après la légende) aurait vu le jour sur une serviette en papier lors d’une fête dans une époque troublée : L’époque Franquiste coté espagnol et de l’interdiction de parler l’Euskara (la langue basque). Qui aurait cru que ce poème mis en musique en toute clandestinité deviendrait l’hymne de mon pays ?!
Chanson d’amour, d’espoir, de deuil ou de liberté… Nul ne sait vraiment quel sens lui donner. C’est sans doute pour cela que cet air si particulier accompagne souvent la vie de nos villages. Donnant à chaque instant une signification neuve et un regard insolite sur nous même.
Ne vous y trompez pas, sous ses airs mélancoliques, Hegoak est une chanson de fête. Une chanson qui dit "bienvenue" à un nouvel ami ou un nouveau né. Une chanson qui dit "bonne route" à des jeunes mariés ou des voyageurs. Une chanson qui dit "adieu" à ceux qui nous quittent et que l’on doit laisser partir.
Ne vous arrive t’il pas, parfois, de vous sentir loin de chez vous ? Loin de ce que vous rêviez d’être ? Ou tout simplement loin de vos racines ? Lorsque cela m’arrive, je fredonne secrètement cet air.
Ce soir, il fait si chaud dans ma petite piaule. Une fenêtre ouverte laisse entrer un mince filet d’air bien trop pauvre pour me ramener au pays. J’entends les voitures, la cacophonie parisienne… L’éternelle complainte des boulevards surpeuplés. Mais où sont passées les aubades des grillons qui accompagnent les chemins de pierres ? Où sont les ritournelles qui ne quittent jamais les tablées festives ? Où sont les moustiques qui s’amoncellent sous l’éclairage faiblard des lanternes d’été ? Où est la berceuse de la mer qui emporte les promesses et les jeux abandonnés sur le sable ?
Mon beau Pays, sa tendre caresse me manque… Si le sommeil ne m’atteint pas ce soir, c’est parce que j’ai parcouru les sentiers basques avec mon grand-père, mon ami, mon égal, mon inspiration… Si je ferme un instant les yeux… Si j’oublie ce bruit sourd et négligé… Je me retrouve au Pays avec lui… Lui qui prépare son envol bien trop vite… Lui que j’ai appris à connaître bien trop tard.
Comme le dit la chanson : « Si je lui avais coupé les ailes, peut être ne m’aurait-il pas laissé. Mais il n’aurait plus été l'oiseau… Et moi c’est l’oiseau que j’aime et que j’aimerai toujours ».
Alors, pour ne jamais l’oublier, je fais la seule chose pour laquelle j’ai un peu de talent : j’écris.
J’écris pour qu’il s’envole et qu’il ne devienne pas un étranger.
Je couche ses histoires. Je capture les vallées et les montagnes sur une maigre feuille de papier. Il est vrai que la feuille de papier s’envole elle aussi… Mais son message, lui, reste toujours lisible pour celui qui rattrapera son vol. Là est toute la différence entre l’Homme et le papier : l’Homme emporte dans son voyage tous les mots qu’il n’a pas transmis.
Ce soir je suis de nouveau un enfant… Je fredonne comme autrefois la douce comptine de l’oiseau… Et même si au petit matin je devrai dire adieu à mon grand-père, cette mélodie jamais ne délaissera mon cœur… Et je la chanterai pour des jours plus heureux.
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