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Photo du rédacteurJulien Gaüzère Auteur

Démocratie (Chronique #159)


28 octobre 2018,

Ce soir j'oublie un instant mes vallées basques et mes chroniques habituelles. Ce soir, je regarde, avec impuissance, le Brésil glisser à son tour vers un nouveau gouvernement populiste. En France aussi l'ambiance est pesante... Les colères s'accumulent, les inégalités se creusent, le chômage augmente, la liste des taxes s'allonge... Et la démocratie perd du terrain dans l'indifférence générale. 


Ce soir je reçois un mail (comme beaucoup de français) via ma page Facebook... Un message qui annonce une colère, un ras le bol :


Samedi 17 novembre Pays mort ! ne faites aucun achat, n'allez dans aucunes banques, ne vous servez pas en essence, n'allez pas au cinéma, aucune dépense dans les commerces, aucun centime, ne prenez pas les transports, n'empruntez pas les péages, les parkings payants, ON BLOQUE LE PAYS, ON BLOQUE LE GOUVERNEMENT QUI NE PENSE QU'A PRENDRE LE FRIC DES "PETITS".


Cette colère, je ne la perçois pas qu'en France malheureusement. Elle gangrène partout en Occident. Je n'aime pas la tournure que prennent les événements. Je n'aime pas la récupération politico-populiste de la détresse par l'extrême-droite et l'extrême gauche. Je n'aime pas la radicalisation de la droite Française qui (même si je n'en porte pas les valeurs) a toujours gardé une dignité et une hauteur. Je n'aime pas le mutisme de la République en Marche qui n'écoute pas le Pays, ne comprend pas les enjeux sociaux, écologiques, européens... Je n'aime pas que nous t'abandonnions tous, Démocratie... Je ne reconnais plus le monde dans lequel je vis. 

Jair Bolsonaro au Brésil, Donald Trump aux Etats-Unis, Viktor Orban en Hongrie, Matteo Salvini en Italie, Vladimir Poutine en Russie, Recep Tayyip Erdoğan en Turquie… Les crises migratoires, la pauvreté, les guerres, les changements climatiques, le mutisme de l’Europe, la liberté de la presse en danger, le Brexit, l’antisémitisme, le radicalisme religieux, le racisme, l’homophobie… As-tu abandonné tes enfants, Démocratie ?


Je suis né dans tes bras, Démocratie. 

On m’a appris à porter tes valeurs.

On m’a appris que tu étais le plus grand trésor que l’on puisse posséder. 


Je me suis abreuvé à ton sein, Démocratie. 

Mes grands-parents se sont battus pour que tu sois Reine.

Ils t’ont connu à genoux, malade et fuyante et ils t’ont faite Déesse. 


Je suis ton fils, Démocratie. 

Ma nation m’a même inculqué que tu étais forte et que les heures sombres ne reviendraient plus. 

M’aurait-on menti ?


Mais où es-tu, Démocratie ?

Peu à peu le monde se referme. Se durcit. 

Les pays se haïssent, s’observent, se rejettent. 


Pourquoi nous avoir laissé tomber, Démocratie ? 

Aujourd’hui l’Europe est sourde. Elle n’écoute plus ses citoyens. Elle ne relève pas les défis exaltants de demain pour le climat, pour une nouvelle société… Pour un monde à l’économie plus locale et plus juste. Pour un monde plus responsable qui s’occupe de son jardin tout en continuant à regarder l’horizon. 


Nos gouvernements sont malades, sans pouvoir, sans vision.

L’écologie urgente est balayée, l’économie asphyxiante est privilégiée.

La bienveillance et l’entraide ne font plus recettes… Les partis politiques, mêmes les plus respectables, se délectent d'opposer, de stigmatiser voir même d'attiser des haines nauséabondes. 


Selon une étude publiée le vendredi 26 octobre 2018 par la banque UBS, la fortune globale des milliardaires de la planète a augmenté de 19% en 2017. Aujourd’hui 82% des richesses du Monde sont dans les mains de 1% des plus riches. 


Es-tu là, Démocratie ?

Ton pouvoir, celui que tu donnes habituellement à tes enfants,

il nous a été arraché, Démocratie. 


Les lobbies s’invitent à l’Assemblée Nationale, au parlement européen, au G7, au sommet pour le climat… 

On le voit dans une multitudes de bloquages que les peuples ne supportent plus : 


- Blocage des lois pour l’interdiction du glyphosate.


- Passage en force des lois sur le libre échange qui appauvrissent les petits producteurs et polluent inutilement notre Planète.


- Vote de la loi du « secret des affaires » qui musèlent un peu plus la presse européenne et le devoir d’informer.


- Les réductions d’impôts et les paradis fiscaux des grandes entreprises qui ne font jamais l’objet d’enquêtes poussées. 


- L’appauvrissement progressif des services publiques…  


Et plus personne ne s’en cache, plus personne ne te respecte, Démocratie. 

Alors le monde glisse doucement… 

Les gens perdent espoirs, se désintéressent, se résignent. 


Le plus triste, c’est que les dirigeants qui portent encore ton drapeau n’en sont même plus dignes. Ils s’amusent à te mettre en danger, Démocratie. 


En danger car par désespoir (ou peut être par ignorance), 

Petit à petit, élection après élection, année après année, 

les pays tentent la dangereuse aventure des populismes. Les discours les plus violents ressurgissent. Le vivre ensemble devient presque utopique. 


Aujourd’hui on parle de frontières, de repli, d’identité… Alors qu’il y a encore trente-ans nous cassions des murs pour toi, Démocratie. 


Je suis né dans tes bras,

Je me suis abreuvé à ton sein, 

Je suis ton fils et pourtant… 

Peu à peu j’ai très peur, Démocratie. 


Je vis sur un petit Pays… un petit Pays qui m’est cher parce qu’il est surement le plus impertinent de tes enfants. Ce pays m'a donné une fougue de révolutionnaire, un amour de la culture et de la pensée. 


Mais je mentirai si je ne te disais pas que j’ai très peur, Démocratie.

Peur, parce que tu as déjà baissé les bras.

Peur, parce que désormais je vis dans un monde que je ne reconnais plus.


Je me battrai toujours pour toi, Démocratie.  

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