13 Mai 2012,
Ce soir, c'est mon anniversaire... Il me reste encore quelques semaines de travail pour achever mon premier recueil de Contes. Ce soir, ma moitié me tend fièrement un cadeau. Il connait l'histoire qui me lie à celui-ci... Il sait qu'en revoyant sa couverture, des larmes couleront forcément sur mon visage... Ce soir, je retrouve enfin le Dictionnaire des Fées.
Je ne pensais pas tenir à nouveau cet ouvrage dans mes mains…
Parcourir à nouveau ses pages à la recherche de personnages mythiques, de royaumes oubliés et de croyances anciennes.
Je ne pensais pas tenir à nouveau cet ouvrage dans mes mains…
Lui qui sans le savoir, a sauvé ma vie il y a bien longtemps.
L’époque du lycée... le temps de choisir sa voie, son métier pour l’avenir, le temps d’ouvrir les portes du monde extérieur, de grandir…
Mes plans d’avenir étaient moqués, peu interessant.
Un élève artiste, quel horreur !... laissons-le dans un coin de la classe. Laissons-le croire qu’il n’est rien et que sa singularité l’isole.
Occupons-nous des bons élèves, les vrais ! ceux qui excellent en mathématiques, en sciences, en droit, en économie… Ceux qui sont dans en filière S : La seule qui compte d’ailleurs.
L’époque du lycée... le temps des premiers baisers, des mains qui s’effleurent, des rancarts, des corps qui s’offrent et se dévoilent.
Moi, je n’étais ni une main, ni un corps ou un baiser… j’étais un fantôme. Celui qu’on pousse dans les couloirs, qu’on moque à la cantine… Le gars à part, le petit pédé… Le sale pédé. J’étais un fantôme, même pour mes professeurs qui ne prêtaient pas attention aux moqueries et aux menaces.
Occupons nous plutôt des vrais élèves, ceux qui s’affirment, qui bombent le torse comme des coqs de basse-cour… Et raillons avec eux sans discrétion, la pédale du fond de la classe.
Je ne pensais pas tenir à nouveau cet ouvrage dans mes mains…
Lui que j’ai trouvé par hasard sur le chemin de ma solitude.
L’époque du lycée... le temps des sorties, des fêtes et des meilleurs amis pour la vie.
Je voulais disparaître, crever comme une merde sous un train ou dans les chiottes du lycée. Me foutre en l’air, pour que tous les connards de ce bahut s’interrogent sur leur taux assez élevé de connerie.
Je m’enfermais dans les toilettes pour un instant de répit. Je caressais mes bras jusqu’au sang avec ma paire de ciseau. Je voulais qu’il sorte… Le pédé qui était en moi… Je voulais le vomir, le voir souffrir.
L’époque du lycée... Le temps des conseillers d’orientation, des adultes qui vous épaulent et vous aiguillent... qui vous rassurent.
Personne ne voyait mes cicatrices. Je crois même que tout le monde s’en foutait. La conseillère d’orientation ne me recevait même pas. J’avais le droit au super classeur d’adresses d’universités au fond du bureau… Un classeur aussi illisible qu’inutile. Occupons nous plutôt des élèves qui choisissent de vrais métiers… Des métiers scientifiques et économiques bien évidemment.
Je ne pensais pas tenir à nouveau cet ouvrage dans mes mains…
Lui qui dormait dans un rayonnage peu fréquenté de la bibliothèque du Lycée.
Pour pallier à la solitude, pour éviter les bousculades et les railleries inutiles, il y avait un sanctuaire où les idiots comme moi trouvaient asile : La bibliothèque.
Ici, c’était le silence, l’apaisement et l’évasion. Comme j’étais devenu un fantôme, il m’arrivait même de sécher des cours pour rester un peu plus dans ce paradis. C’est ici que j’ai découvert l’univers de Tolkien, l’histoire des Celtes et… Le dictionnaire des fées.
Un petit dictionnaire rempli de trésor et de personnages oubliés. Alors que je commençais à réfléchir à l’idée d’écrire une histoire de fantaisie, ce dictionnaire est sortie de nulle part. Il m’a éloigné des larmes et des coups de ciseaux… Il m’a fait découvrir le Royaume de Faery, le Roi Obéron, la Reine Titania, les Tuatha dé Danann, Dana, Cernunnos, Morrigan, Dagda, les fées, les sirènes, le loup Bodu… C’est des pages de ce dictionnaire que sont nés les premiers personnages de mon univers : Ivan, Mirage, Ben et Grimm.
Un petit dictionnaire rempli de trésor que j’ai dû un jour abandonner. Le seul ami que j'ai vraiment regretté en quittant le lycée. Il a été mon pilier, m’a aidé à trouver ma voie, mon avenir… à m’accepter, à panser les cicatrices et à bomber le torse comme un coq de basse-cour. Grâce à lui j’avais quelque chose de plus que les autres… J’avais plus qu’un avenir, j’avais tout un Royaume dans les mains.
La première chose que j’ai faite en arrivant à l’université, c’est de me perdre dans la bibliothèque à la recherche du dictionnaire des fées… Mail il n’était pas là. Il m'a fallu l'oublier, me faire une raison et continuer ma route sans lui…
Je ne pensais pas tenir à nouveau cet ouvrage dans mes mains…
Parcourir à nouveau les pages à la recherche de personnages mythiques, de royaumes oubliés et de croyances anciennes.
Je ne pensais pas tenir à nouveau cet ouvrage dans mes mains…
Lui, qui sans le savoir, a sauvé ma vie il y a bien longtemps. Lui qui dorénavant sera toujours près de moi… Dans ma propre bibliothèque.
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